L'auteur de La bataille de Paris, 17 octobre 1961 (Seuil, 1991), Jean-Luc Einaudi, dont les écrits ont mis en lumière, de façon magistrale, le rôle de l'Etat français dans la répression des luttes pour l'indépendance algérienne, s'est éteint, samedi 22 mars, à Paris, emporté par un cancer fulgurant. L'auteur de La bataille de Paris, 17 octobre 1961 (Seuil, 1991), Jean-Luc Einaudi, dont les écrits ont mis en lumière, de façon magistrale, le rôle de l'Etat français dans la répression des luttes pour l'indépendance algérienne, s'est éteint, samedi 22 mars, à Paris, emporté par un cancer fulgurant. Né le 14 septembre 1951, Jean-Luc Einaudi a travaillé toute sa vie comme éducateur, auprès des jeunes auxquels il consacra un livre, Les mineurs délinquants (Fayard, 1995). Il venait, il y a deux ans, de prendre sa retraite. Mais ce sont ses nombreux ouvrages sur l'Algérie, fruits de recherches « méticuleuses et opiniâtres », selon les termes de l'historien Gilles Manceron, qui l'ont fait connaître du grand public. « Je ne revendique pas le titre d'historien. J'écris sur ce qui me paraît important », confiait-il, le 9 février, dans un entretien – le dernier – accordé à Berbère Télévision. Bien qu'âgé de onze ans au moment de l'indépendance de l'Algérie, en 1962, ce fils unique, issu d'une famille modeste, devenu militant maoïste dans l'après-1968, s'était intéressé très vite aux combats anticolonialistes – du Vietnam à l'Algérie. Rédacteur « bénévole » à l'Humanité Rouge, journal fondé par Jacques Jurquet, son aîné et ami, le jeune militant du Parti communiste marxiste-léniniste de France (PCMLF) fit alors, dans les années 70 et 80, la rencontre de plusieurs grandes figures du mouvement anticolonialiste, parmi lesquels Claude Bourdet, Georges Mattéi et Pierre Vidal-Naquet – lequel rédigea la préface du premier livre de Jean-Luc Einaudi, Pour l'exemple. L'affaire Fernand Yveton (L'Harmattan, 1986). Il fit également la connaissance, dès cette époque, de responsables algériens du FLN – lesquels lui ouvriront bien des portes, plus tard. L'étude des différents aspects de la répression française, exercée contre les Algériens, en particulier, en octobre 1961, à Paris, à l'occasion de la désormais fameuse manifestation organisée à l'appel du Front de libération nationale (FLN), allait transformer Jean-Luc Einaudi en enquêteur hors pair – et en pionnier, souvent solitaire, du travail de mémoire. Son livre La bataille de Paris levait le voile sur l'une des pages les plus sombres de l'histoire franco-algérienne, sur laquelle l'université ne s'était, jusque là, guère penchée. Le 17 octobre, et dans les semaines qui suivirent, « plus de cent cinquante personnes sont mortes ou disparues », révélait Jean-Luc Einaudi, pointant du doigt la responsabilité des forces de l'ordre – alors dirigées par le préfet de police Maurice Papon. Cet ouvrage allait provoquer un véritable choc dans la société française – et connaître un succès retentissant. Une nouvelle édition augmentée, Octobre 1961. Un massacre à Paris (Fayard-Pluriel), a été publié en 2011. Jean-Luc Einaudi allait néanmoins longtemps payer son courage et sa détermination. En 1999, Maurice Papon, alors poursuivi pour crimes contre l'humanité, portait plainte contre Jean-Luc Einaudi, dont les déclarations devant la cour d'assises de Bordeaux l'avaient ulcéré. L'ancien préfet de police fut finalement débouté. Mais cette bataille laissa des traces – avec, notamment, la « mise au placard », durant de longues années, de deux conservateurs des archives de Paris, « victimes de sanctions dissimulées », s'indigna Jean-Luc Einaudi. Passionné d'histoire, l'éducateur de la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse, au sein du ministère de la justice) s'intéressa aussi aux « petites gens », à ces « militants sans défaillance, qui lui ressemblaient », relève l'historien René Galissot. Du père Georges Arnold, curé du Prado, à Baya Allaouiche, en passant par Lisette Vincent, Maurice et Odette Laban, la liste est longue de tous ceux – et celles, surtout – auxquels Jean-Luc Einaudi prêta sa voix, leur rendant hommage à travers des biographies. Briseur de tabous, ne craignant point de s'attaquer à plus puissant que lui, que ce soit en France ou en Algérie – qu'il sillonna longuement, en 1987 – cet auteur atypique fut un « héros moral », souligne l'historien algérien Mohammed Harbi. Derrière son apparence de rugbyman bourru, Jean-Luc Einaudi cachait une immense sensibilité. On la retrouve, intacte, comme sa colère face à l'injuste, dans son dernier ouvrage, Le dossier Younsi. 1962 : procès secret d'un chef FLN en France (Tirésias, 2013), un livre dérangeant et rare, à l'image de l'auteur. Né le 14 septembre 1951, Jean-Luc Einaudi a travaillé toute sa vie comme éducateur, auprès des jeunes auxquels il consacra un livre, Les mineurs délinquants (Fayard, 1995). Il venait, il y a deux ans, de prendre sa retraite. Mais ce sont ses nombreux ouvrages sur l'Algérie, fruits de recherches « méticuleuses et opiniâtres », selon les termes de l'historien Gilles Manceron, qui l'ont fait connaître du grand public. « Je ne revendique pas le titre d'historien. J'écris sur ce qui me paraît important », confiait-il, le 9 février, dans un entretien – le dernier – accordé à Berbère Télévision. Bien qu'âgé de onze ans au moment de l'indépendance de l'Algérie, en 1962, ce fils unique, issu d'une famille modeste, devenu militant maoïste dans l'après-1968, s'était intéressé très vite aux combats anticolonialistes – du Vietnam à l'Algérie. Rédacteur « bénévole » à l'Humanité Rouge, journal fondé par Jacques Jurquet, son aîné et ami, le jeune militant du Parti communiste marxiste-léniniste de France (PCMLF) fit alors, dans les années 70 et 80, la rencontre de plusieurs grandes figures du mouvement anticolonialiste, parmi lesquels Claude Bourdet, Georges Mattéi et Pierre Vidal-Naquet – lequel rédigea la préface du premier livre de Jean-Luc Einaudi, Pour l'exemple. L'affaire Fernand Yveton (L'Harmattan, 1986). Il fit également la connaissance, dès cette époque, de responsables algériens du FLN – lesquels lui ouvriront bien des portes, plus tard. L'étude des différents aspects de la répression française, exercée contre les Algériens, en particulier, en octobre 1961, à Paris, à l'occasion de la désormais fameuse manifestation organisée à l'appel du Front de libération nationale (FLN), allait transformer Jean-Luc Einaudi en enquêteur hors pair – et en pionnier, souvent solitaire, du travail de mémoire. Son livre La bataille de Paris levait le voile sur l'une des pages les plus sombres de l'histoire franco-algérienne, sur laquelle l'université ne s'était, jusque là, guère penchée. Le 17 octobre, et dans les semaines qui suivirent, « plus de cent cinquante personnes sont mortes ou disparues », révélait Jean-Luc Einaudi, pointant du doigt la responsabilité des forces de l'ordre – alors dirigées par le préfet de police Maurice Papon. Cet ouvrage allait provoquer un véritable choc dans la société française – et connaître un succès retentissant. Une nouvelle édition augmentée, Octobre 1961. Un massacre à Paris (Fayard-Pluriel), a été publié en 2011. Jean-Luc Einaudi allait néanmoins longtemps payer son courage et sa détermination. En 1999, Maurice Papon, alors poursuivi pour crimes contre l'humanité, portait plainte contre Jean-Luc Einaudi, dont les déclarations devant la cour d'assises de Bordeaux l'avaient ulcéré. L'ancien préfet de police fut finalement débouté. Mais cette bataille laissa des traces – avec, notamment, la « mise au placard », durant de longues années, de deux conservateurs des archives de Paris, « victimes de sanctions dissimulées », s'indigna Jean-Luc Einaudi. Passionné d'histoire, l'éducateur de la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse, au sein du ministère de la justice) s'intéressa aussi aux « petites gens », à ces « militants sans défaillance, qui lui ressemblaient », relève l'historien René Galissot. Du père Georges Arnold, curé du Prado, à Baya Allaouiche, en passant par Lisette Vincent, Maurice et Odette Laban, la liste est longue de tous ceux – et celles, surtout – auxquels Jean-Luc Einaudi prêta sa voix, leur rendant hommage à travers des biographies. Briseur de tabous, ne craignant point de s'attaquer à plus puissant que lui, que ce soit en France ou en Algérie – qu'il sillonna longuement, en 1987 – cet auteur atypique fut un « héros moral », souligne l'historien algérien Mohammed Harbi. Derrière son apparence de rugbyman bourru, Jean-Luc Einaudi cachait une immense sensibilité. On la retrouve, intacte, comme sa colère face à l'injuste, dans son dernier ouvrage, Le dossier Younsi. 1962 : procès secret d'un chef FLN en France (Tirésias, 2013), un livre dérangeant et rare, à l'image de l'auteur.