Les déclarations outrageantes faites sur le site électronique TSA par l'ancien ministre de l'Intérieur et président de l'Association des anciens du ministère de l'Armement et des Liaisons générales (MALG), M. Ould Kablia, n'ont certainement pas manqué de choquer par leur virulence et la revendication de l'assassinat de Abane en tant qu'acte salvateur de la Révolution. D'abord sa famille, ensuite les moudjahidine qui ont connu de près ou de loin cette figure historique de la Révolution algérienne, assassinée une seconde fois par les justifications de sa liquidation. Laquelle est présentée par cet ancien cadre du MALG comme le seul «remède» pour préserver la Révolution de «l'autoritarisme» et des «déviances» politiques prêtées à Abane. C'est la première fois que l'assassinat d'un dirigeant de la Révolution algérienne est assumé publiquement par un haut cadre de la Révolution. L'aveu est grave, même si M. Ould Kablia ne trahit aucun secret sur cet épisode sombre de l'histoire de la Révolution de Novembre 1954 qui est connu de tous et est évoqué dans de nombreux livres d'histoire. Le témoignage de Daho Ould Kablia aurait pu être salué comme un acte politique courageux visant à établir ou rétablir la vérité historique, avec ses pages glorieuses et sa mauvaise conscience, s'il ne s'était pas arrogé le droit de juger et, plus grave, de justifier l'assassinat de Abane. En choisissant la célébration de l'anniversaire de Novembre 1954 pour jeter ce gros pavé dans la mare, M. Ould Kablia a voulu donner à son témoignage un caractère solennel. Pour ne pas ignorer la nature explosive du dossier qu'il a ouvert, de surcroît dans un contexte politique propice à tous les dérapages, M. Ould Kablia a dû, sans nul doute, consulter autour de lui avant de se laisser aller à ses confidences. Il est pour le moins suspect que cette sortie de DOK n'ait pas suscité de réaction de la part du ministère des Moudjahidine et de l'Organisation nationale des moudjahidine censés être les garants de la préservation de la mémoire de la Révolution. Les anciens dirigeants de la Révolution qui ont eu à apporter leurs témoignages sur des compagnons d'armes l'ont tous fait sur des frères de combat, lesquels ne sont plus de ce monde pour laver leur honneur et confondre leurs détracteurs. Il n'y a aucune gloire à tirer d'un débat univoque, surtout si derrière se cachent des velléités de solder de vieux comptes de la Révolution qui hantent les esprits de nos dirigeants jusqu'à aujourd'hui encore. On n'a pas entendu ces mêmes voix qui s'improvisent procureurs de la Révolution algérienne – en condamnant certains et en vouant au panthéon de l'histoire d'autres, qui ne sont pas forcément plus nationalistes et patriotes que les premiers – livrer à l'opinion ce qu'ils savent du parcours d'autres responsables de la Révolution. Particulièrement ceux occupant des postes influents dans les institutions de l'Etat. Dans son entretien, M. Ould Kablia a apporté la preuve cinglante que notre pays n'est pas encore prêt pour écrire l'histoire de la Révolution en révélant que des tonnes d'archives du MALG ont été transférées au ministère de la Défense nationale. Pourquoi pas au Centre national d'écriture de l'histoire et au Centre des archives nationales ? Tant que les archives de la Révolution ne sont pas ouvertes à nos historiens et chercheurs, on continuera encore et toujours avec la même légèreté et en toute impunité à bafouer et à mutiler la mémoire nationale.