Ainsi, quelques jours avant la sortie de la première rame de tramway «Citadis des lignes de montage de Cital Annaba - joint-venture entre Alstom, Ferrovial et l'Entreprise Métro d'Alger (EMA) - et dévoilée le 30 septembre dernier, l'Algérie a annulé le contrat de 430 millions d'euros la liant depuis une année à Daewoo. En groupement avec le bureau d'études français GS, le constructeur sud-coréen fut chargé du projet de réalisation, en 39 mois, de la première ligne du tramway d'Annaba, longue de 21,8 km et comprenant 35 stations avec une inter-station moyenne de 590 m pour un coût global se situant à 430 millions d'euros. C'est finalement la 4e ville d'Algérie où sont fabriquées les rames destinées à d'autres wilayas qui sera privée, en tout cas pour l'instant, d'un projet de portée socio-économique incontestable : une capacité de transport de 330 voyageurs par rame et de 16 000 voyageurs/heure/sens pour les deux lignes en heure de pointe était attendue. Le 30 septembre étaient aussi échangées des félicitations en demi-teinte, du moins du côté français, lors de la cérémonie de présentation de la première rame assemblée à Cital Annaba. Car, au-delà de la symbolique politique d'une coopération franco-algérienne remise en route, l'annulation du projet tramway Annaba, que l'on dit «provisoire», est pour le Groupe tricolore synonyme de perte sur son carnet de commandes : Cital, SPA de droit algérien dotée d'un capital social de 2,1 milliards DA et entrée en service en mai 2015, où Alstom totalise 49% de parts, (41% Ferrovial et 10% EMA) qui était censée honorer un contrat-programme de fourniture, d'ici 2019, de 213 rames, se voit, du coup, glisser entre les mains des dizaines de rames, longues de 50 m «après le gel de certains programmes de tramways, le plan de charge programmé passe de 213 à 156 rames. Ce qui nous donne une couverture en production jusqu'au mois de juin 2018», fait ressortir un point de situation officiel (8 octobre 2015). Partant, y est-il ajouté, «les parties sont en train d'étudier la possibilité de passer la cadence de production de 5 à 3 rames par mois pour assurer un plan de charge d'un an de plus pour l'entreprise, soit jusqu'au mois de juin 2019». Les déconvenues d'Alstom Transport, résultant de la pause budgétaire qui s'est imposée au pays, se sont étendues à des centaines de km de Annaba. La mise en chantier du projet de tramway dont devait bénéficier la wilaya de Batna n'est pas pour demain. Lancé fin juin 2014, l'appel d'offres relatif à la réalisation d'une ligne de tramway de 15 km vient lui aussi d'être gelé et aucune relance n'est prévue à court ou à moyen terme, a confié notre source du groupe industriel SNVI. «Aujourd'hui que l'Etat a décidé d'une pause, les projets de Annaba et Batna, pourtant budgétisés, sont donc gelés. Ce qui s'est répercuté sur notre plan de charge. Annaba et Batna totalisaient 63 rames. A ce titre, de 213 les commandes algériennes sont passées à 150 rames», confirme lors d'un long entretien avec El Watan Economie Fayçal Fadel, responsable de communication à Cital. S'agissant des autres projets victimes des «réajustements» budgétaires, leur avenir est tributaire de l'état d'avancement des travaux, précise, par ailleurs, notre source du Groupe SNVI. A l'en croire, sont toutefois susceptibles d'y échapper les tramways projetés pour les wilayas de Sidi Bel Abbès, Ouargla, Mostaganem et Sétif. «Conformément à l'accord-cadre signé le 14 novembre 2010 avec l'Etat algérien, les 213 rames étaient destinées à 9 villes du pays : outre les extensions prévues à Constantine, Alger et Oran, sont également concernées les villes de Sidi Bel Abbès, Ouargla, Mostaganem, Sétif, Batna et Annaba. Les projets prévus dans ces deux dernières étant gelés, notre nouveau plan de charge porte sur 28 rames (Oran), 30 (Sidi Bel Abbès), 23 (Ouargla) et 25 (Mostaganem). S'agissant de Sétif, les commandes sont en cours de signature», fera savoir M. Fadel, porte-parole de Cital Annaba où, note-t-il, ont déjà été assemblées 30 rames : 24 destinées à Constantine (commande honorée à 100%) et 6 au tramway d'Oran. A Sidi Bel Abbès, les travaux de réalisation de la première ligne, 13,7 km, confiés à des Turcs pour quelque 420 millions de dollars, ont été lancés en juin 2013. Le tramway devrait être réceptionné fin 2017. Le français Alstom et l'espagnol Rover-Alcia/Assignia Elecnor, auxquels avait, par ailleurs, été attribué le marché de plus de 233 millions d'euros devront, quant à eux, livrer, dans un délai de 37 mois, la première ligne, 12,6 km, du tramway de Ouargla dont la mise en service est annoncée pour fin 2016. En groupement avec l'espagnol Corsan-Isolux, Alstom s'est également adjugé le contrat de construction de la ligne, 14 km, du tramway de Mostaganem, censé rouler dès début 2017. Bénéficiant d'une enveloppe s'élevant à plus de 380 millions d'euros, la ligne du tramway de Sétif, 22,4 km, dont le chantier a été lancé en janvier dernier, toujours Alstom et le turc Yapi Merkezi ont 44 mois pour la livraison de l'ouvrage. C'est dire que malgré la mise en veilleuse de ceux de Batna et Annaba, le maintien, pour l'instant, de ces quatre projets de tramway est fait pour rassurer le groupe français, déjà confronté à un marché immédiat de moins en moins demandeur de rames Citadis, l'un de ses produits phares. Mais le groupe tricolore, lorsqu'il s'implante quelque part, ce n'est jamais pour perdre. Alstom sait toujours conjurer toute déconvenue et garantir la pérennité de ses affaires à l'étranger. Fin mai 2015, Yacine Bendjaballah, le patron de la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF), assurait, dans une déclaration publique, que tous les projets de sa société étaient maintenus dans leur totalité, énumérant les différentes acquisitions appelées à renforcer la flotte actuelle de son entreprise. Pour un budget global de 127 milliards de dinars déjà mobilisés par l'Etat, la SNTF, outre les équipements de télécommunication de dernière génération et la réhabilitation de 202 voitures de voyageurs, va s'offrir 30 locomotives diesel, 20 locomotives électriques et 17 autorails grandes lignes. Et c'est vers le groupe tricolore que l'Algérie se tournera une fois encore : les 17 autorails appelés à relier Alger aux villes d'Oran, Annaba, Constantine et Béchar, dont les premières livraisons devraient intervenir en 2018, c'est Alstom qui les fournira pour quelque 200 millions d'euros, déjà dégagés par l'Etat.