Les élus de l'Assemblée populaire nationale ont, une nouvelle fois, brillé par leur inventivité lorsqu'il s'agit de contourner les règles régissant les institutions de la République. Jeudi soir, la Commission des finances et du budget de l'Assemblée populaire nationale est revenue sur l'un des amendements qu'elle a pourtant elle-même introduit. Un fait inédit dans les annales de cette institution de la République. En effet, et après avoir abrogé l'article 71 du projet de loi de finances 2016, elle a décidé de le réintroduire sous forme amendée. Il est vrai que l'article 71 a suscité, dès le départ, une vive opposition au sein de l'Hémicycle. Le texte stipule, en effet, que «des décrets d'ajustement peuvent être pris sur le rapport du ministre chargé des Finances, en cours d'année, pour prendre en charge, par le gel ou l'annulation de crédits destinés à la couverture de dépenses, une situation d'ajustement nécessaire en cas de détérioration des équilibres généraux». Une disposition décriée par bon nombre de députés qui la considèrent comme étant anticonstitutionnelle, car reflétant une tentative de la part de l'Exécutif de s'emparer des pouvoirs législatifs. Raison pour laquelle elle a d'ailleurs été abrogée lors de sa réunion préliminaire. Cependant, le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, est remonté au front pour défendre son projet et a décidé de soumettre, une nouvelle fois, la disposition en question à l'appréciation de la commission dans le cadre d'un amendement. Un procédé que plusieurs membres de la commission issus de l'opposition n'ont pas apprécié, considérant que le ministre peut recourir à la plénière pour soumettre une disposition abrogée par la commission au vote, et pas avant. D'ailleurs, la séance de jeudi a été marquée par des échanges houleux. Les discussions autour de la réintroduction de l'article 71 ont duré plus de deux heures et demi, avant de se solder par le retrait de l'ensemble des députés de l'opposition (PT, FFS, FJD et AAV), qui ont quitté la salle pour ne pas prendre part au vote. C'est ainsi que les membres de la commission et du budget, issus du FLN et du RND, ont statué seuls sur la question. L'article 71 a ainsi été réintroduit avec un léger amendement. Les députés ont ainsi institué un seuil au-delà duquel il ne sera plus possible de revoir le budget. Seuil qui sera défini dans le cadre d'une commission mixte APN-ministère des Finances à mettre en place. Petite victoire sur l'article 66 Le député PT, Djelloul Djoudi, considère que ce qui s'est passé jeudi soir est un contournement des règles et que le ministre des Finances n'avait pas à introduire cet amendement en commission. Pour sa part, le député FJD, Lakhdar Benkhellaf, considère que le revirement de la commission est le produit des pressions et du lobbying exercé par les milieux d'affaires qui ont émaillé les travaux de l'Assemblée. Il n'en demeure pas moins que les parlementaires peuvent se targuer d'avoir fait aboutir certaines de leurs revendications, notamment en ce qui concerne l'article 66 relatif à l'ouverture du capital des entreprises publiques qu'ils apparentent à une forme détournée pour opérer de nouvelles privatisations. L'article en question a été abrogé par la commission. Cela n'a pas été le cas pour l'article 70 relatif à l'allégement de la règle des 51/49%, ni pour les propositions d'amendement relatives aux taxes sur l'énergie et les carburants, encore moins en ce qui concerne l'introduction d'un nouvel article relatif au droit de préemption. La commission aura tout de même décidé d'amender l'article du PLF 2016 relatif à la levée de l'obligation d'investissement du bénéfice sujet à avantages. Les députés l'ont réaménagé de telle sorte qu'une partie de ce bénéfice soit réinvestie.