Le bilan rendu public la semaine dernière par le Conseil national économique et social (CNES) sur la situation économique du pays est sans complaisance. Depuis le début de l'année en cours, le déficit commercial connaît mensuellement un trend haussier alors que les importations n'ont connu qu'une baisse modérée. Les déficits ont globalement touché les soldes intermédiaires de la balance des paiements, notamment le compte courant, le compte capital et le solde global avec respectivement -13 milliards de dollars (mds USD) ; - 1,22 mds USD et enfin -14,4 Mds USD. La balance commerciale a enregistré un manque de 7,78 mds USD contre un excédent de 3,17 mds USD à la même période de 2014. Alors que les exportations ont baissé de 42% (19,28 mds USD contre 33,24 mds USD au premier semestre 2014) contre une réduction de 9,98% seulement pour les importations (27 mds USD contre 30 mds USD). Au cours de cette période, les exportations ont assuré la couverture des importations à hauteur de 71%, contre 111% pour la même période de 2014. Les exportations des hydrocarbures ont chuté de près de 44% pour une valeur de seulement 18 mds USD (contre 32,14 mds USD pour la même période de référence de 2014). Si les exportations hors hydrocarbures ont augmenté de 7,78%, elles sont restées insignifiantes puisqu'elles ont à peine dépassé la barre de 1 md USD (précisément 1,19 md USD) loin des 20 mds USD nécessaires pour combler le déficit budgétaire. Pour toute l'année 2015, les prévisions du CNES tablent sur des exportations d'hydrocarbures de l'ordre de 30 mds USD et des importations de 55 mds USD. La fiscalité pétrolière en forte baisse L'impact se fera ressentir par les réserves de change. Le CNES ne manque pas de le souligner dans son rapport : «Les réserves de change devraient s'éroder d'au moins 20 mds USD», prévient-il. La conjoncture pétrolière a également eu son impact sur les revenus du budget public. Ainsi, la fiscalité pétrolière recouvrée a baissé de 33%. D'où le recours au Fonds de régulation des recettes avec un niveau de prélèvement de 967 mds DA conjugué à un creusement du déficit de Trésor important avec un hausse de 53% par rapport à la même période 2014 et également à une tendance à la hausse du niveau d'endettement de l'Etat (plus de 844 mds DA à juin 2015). «La possibilité d'une baisse du solde du FRR en deçà de son seuil minimal réglementaire, voire son extinction est fortement plausible», avertit le CNES. Un constat déjà dressé par la Banque d'Algérie dans sa note de conjoncture pour la même période. «L'impact du choc externe sur les finances publiques fortement tributaires de la fiscalité pétrolière se reflète dans le creusement du déficit budgétaire et l'érosion des ressources du FRR», avait indiqué Mohamed Laksaci dans ce cadre. Ainsi, les ressources du FRR ont chuté à 3441,3 Mds de DA à fin juin 2015, subissant une érosion de l'ordre de 1714,6 milliards de DA entre fin juin 2014 et fin juin 2015, soit une réduction de 33,3% en l'espace de douze mois. Le CNES évoque par ailleurs l'importance des dépenses publiques. Ce qui est à l'origine du creusement du déficit public avec un niveau qui a dépassé les 3807 Mds de dinars à fin juin dernier. Sur le plan monétaire, le CNES relève une certaine stabilité en adéquation avec les tendances nouvelles de l'économie. Le conseil relève dans ce cadre une légère contraction dans la croissance monétaire de l'ordre de -0,3%. Même constat pour la liquidité bancaire avec moins de 626 Mds USD. Le rythme d'inflation s'accélère L'inflation est également en tendance haussière (5% en juin 2015, contre 1,2% en juin 2014) en raison essentiellement de la forte dépréciation du dinar par rapport au dollar. «Le niveau de l'inflation demeure fortement influencé par l'évolution des prix des produits alimentaires, notamment les produits agricoles frais alors que celui des produits manufacturés et les services ont observé des augmentations», explique le rapport du CNES. Le bilan de l'Office national des statistiques (ONS) vient confirmer cette tendance. Le rythme d'inflation annuel s'est établi à 5,1% sur la période allant entre novembre 2014 et octobre 2015 par rapport à celle de novembre 2013-octobre 2014 avec une croissance des prix à la consommation en octobre 2015 par rapport au même mois de l'année passée, en hausse de 3,6%. Le bilan du CNES dévoile globalement les mêmes indicateurs que ceux révélés par la Banque d'Algérie récemment. Pour la Banque centrale, en dépit de la détérioration de ces indicateurs, la position financière du pays reste soutenable, avec un volume des réserves de change de 159,027 mds de dollars à fin juin 2015. «Malgré l'impact du choc externe sur la balance des paiements, le niveau de nos réserves de change reste adéquat pour faire face au choc externe», avait affirmé le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci. Pour rappel, la chute de près de 50% des prix du pétrole depuis mi-2014 a commencé à impacter l'économie nationale dès le quatrième trimestre de la même année. Ainsi, à titre illustratif, le dinar s'est déprécié de 22% par rapport au dollar américain. Son cours s'est par contre légèrement apprécié de 0,60% par rapport à l'euro. Côté liquidités, elles restent suffisantes, selon Laksaci qui s'exprimait la semaine derrière à l'occasion de la présentation de la note de conjoncture du CNES. «C'est plutôt l'excès de liquidités qui a baissé depuis le début de l'année en cours», a précisé le gouverneur alors que les crédits en direction des entreprises publiques et privées se poursuivent à un rythme «appréciable. Ce qui ne doit pas empêcher les banques algériennes de déployer des efforts afin d'innover en termes de produits financiers». Ce qui se fait justement attendre sur la scène financière.