Le plus important rassemblement de photojournalistes dans le monde a eu lieu, comme chaque année, à Perpignan (sud de la France) du 28 août au 12 septembre. Une trentaine d'expositions photos ont mis en lumière les événements-clés de cette année 2003/04. Plus de 70 agences et collectifs de photographes, venus du monde entier, y tenaient un bureau de présentation. Le Festival Visa pour l'image a remis 6 prix : les trophées étaient une création des ateliers Arthus-Bertrand. Les Visas d'or récompensent les meilleurs reportages réalisés entre septembre 2003 et août 2004. Pour la première année, le prix Fujifilm du Jeune Reporter a distingué un nouveau talent, lui permettant de finaliser son projet. Le lauréat 2004 est Karim Ben Khelifa pour son travail réalisé en Irak. Il a reçu 8000 euros. Kristen Ashburn a reçu le prix Canon de la Femme photojournaliste pour son projet de reportage sur l'impact du sida sur la vie quotidienne, la culture et l'économie du Zimbabwe. Le Visa d'or news et le grand prix 2004 Care International du reportage humanitaire ont été décernés à Olivier Jobard pour son reportage réalisé en 2004 à la frontière tchado-soudanaise sur des réfugiés ayant fui la région du Darfour. Pour la troisième année consécutive, Visa pour l'image organisait un colloque afin de réfléchir sur l'impact sur le public mondial des images produites par les photojournalistes. Les participants ont notamment essayé de faire un bilan de l'usage récent des images numérisées. Rencontre avec Olivier Coret Notre correspondant sur place, Nazim Mekbel, a recueilli le témoignage d'un photographe, Olivier Coret. Homme discret et calme, il ramène des territoires occupés un travail loin des stéréotypes habituels. Pour lui, il n'y a rien de photogénique dans le fait de photographier le mur. Bien au contraire, ce mur et ses barbelés pèsent sur la vie des Palestiniens. La « barrière de sécurité » les enferme dans une cage à ciel ouvert. Le photographe a voulu montrer ce que ce mur représente pour cette société emprisonnée. La barrière est installée au delà de la ligne verte, on voit donc des palestiniens des deux cotés. Ce mur a brisé l'économie palestinienne, mais également l'économie locale israélienne, rappelle Coret. Il y avait des échanges dans les deux sens : les restaurants des plages israéliennes de Netanya employaient des Palestiniens, qui désormais ne peuvent plus y accéder. Ces restaurateurs allaient même s'alimenter en légumes et fruits dans les marchés palestiniens. Maintenant, ils n'y ont plus accès. C'est donc toute « une économie locale qui s'effondre ». Les photos d'Olivier Coret s'attachent à montrer le quotidien et non des enfants jetant des pierres, des chars ou des manifestations. Présent sur le terrain depuis la deuxième Intifadha, Coret affirme qu'il était évident d'en parler de cette manière. ll explique que « les enfants palestiniens ont le réflexe de prendre des pierres dès qu'ils voient un appareil photo ». Selon Coret, « si on provoque cela et qu'un enfant est touché par une balle, on devient responsable de ce qui est arrivé ». La réalité est tout autre, affirme-t-il, « les gens sont violents en eux-mêmes, ils sont en colère, mais surtout tristes, résignés. C'est comme ici en France, on a une image stéréotypée des banlieues alors que la réalité est tout autre ». La photo d'un couple debout, digne est la préférée de Coret : « Ce vieux couple regarde debout les Israéliens détruire leur jardin, sans bouger ; le vieil homme a même les mains dans les poches. Mais le regard exprime toute leur histoire. » Coret revient également sur cette photo d'un enfant, « cartable au dos, qui essaye d'escalader le mur pour aller à son école, l'expression « faire le mur » reprend malheureusement tous ses droits ». Une photo porte « Le mur des protestations » comme légende car selon Coret « les jeunes utilisent ce mur comme lieu d'expression ». Coret est très critique face au comportement des israéliens : « L'Israélien de base n'a pas le droit d'aller dans les territoires occupés. Les Israéliens s'autocensurent ; il n'est pas facile pour eux de parler, ils ont peur de s'exprimer, car la société israélienne est militarisée. Donc critiquer et aller contre le gouvernement, c'est aller contre le pays. Ils préfèrent se taire. » François Cardona, Nazim Mekbel