L'idée est dans l'air depuis quelques années ! Mais les circonstances n'ont jamais été aussi propices qu'aujourd'hui pour lancer une opération très proche de l'amnistie fiscale générale à l'intention des contribuables qui dissimulent tout ou partie de leurs revenus et de leur fortune. L'opération vise dans son essence à lutter contre la délinquance fiscale et peut être, en outre, interprétée comme étant un avant-projet d'une amnistie fiscale destinée à remettre à zéro les compteurs des contribuables qui trichent. Quoi qu'il en soit, l'année financière 2015 sera marquée par la mise en place des dispositions juridiques et réglementaires de la «Conformité fiscale volontaire» (CFV). La décision de mettre en place ce dispositif est basée sur un certain nombre de motifs, notamment : augmenter les recettes fiscales, ajuster la conformité fiscale, ou encore faciliter le rapatriement d'actifs se trouvant à l'étranger. Toutes ces raisons invoquées s'inscrivent dans le cadre de politiques économiques conjoncturelles, en particulier lorsque le pays concerné fait face à un rétrécissement de rentrées fiscales suite à une baisse des cours des matières premières – ou des hydrocarbures en Algérie. C'est une forme d'assainissement de l'économie informelle. Cette opération passe par la consolidation et la mise au service de l'économie des activités économiques et financières légales de la sphère réelle. Il est estimé que l'économie parallèle brasse la bagatelle de 3700 milliards de dinars. Cependant, le recours à la conformité fiscale volontaire pose essentiellement un problème de quantification : a-t-on réalisé au préalable une étude d'impact sérieuse de cette opération assortie d'un objectif chiffré ? C'est toute la question de l'efficacité de l'opération lancée. Parfois, ce même argument est tantôt mis en avant pour défendre l'idée, et tantôt pour la combattre. Car les signaux émis sont interprétés différemment par la population fiscale en particulier. La CFV peut engendrer une augmentation des recettes fiscales à long terme en élargissant la base fiscale. Et c'est de là que vient la réticence des détenteurs de capitaux illicites. En effet, souscrivant volontairement à cette opération, les contribuables qui réussissaient auparavant à demeurer en dehors de l'emprise de l'administration fiscale sont dorénavant ramenés dans la population des contribuables connus du fisc et deviennent ainsi plus ou moins contrôlables. Le fisc peut, de cette manière, avoir accès aux sources de leurs revenus et fortunes et ainsi par l'intermédiaire d'un suivi régulier assurer la durabilité de leur contribution. Pour les contribuables non concernés par le programme de CFV, c'est une violation de l'équité fiscale. Un autre signal suggère que le gouvernement peut dans le futur mettre en œuvre d'autres programmes similaires. Il y a donc une idée d'anticipation, ce qui pourrait les amener à différer le paiement de leur dû. De même, une amnistie renvoie également le signal d'une administration fiscale impuissante devant l'ampleur de la fraude fiscale. En conclusion, «la conformité fiscale volontaire» est assortie de plusieurs critères pour qu'elle soit une opération positive pour l'amélioration du recouvrement fiscal et du civisme fiscal. En Algérie, elle vient d'être lancée et il faudra attendre au moins qu'une année s'écoule pour commencer à en juger de son efficacité à condition que des données soient publiées par la DGI. A défaut de preuves vérifiables, l'opération de mise en CFV risque d'affaiblir encore plus la crédibilité de l'Etat, de contrarier l'équité fiscale en élargissant l'injustice fiscale et d'être vue, in fine, de prime à la fraude fiscale.