Le secrétaire général de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, est un homme heureux. Il vient de réaliser le grand écart en obtenant du patronat privé un accord de principe pour augmenter les salaires des travailleurs du secteur économique privé dans des proportions variant entre 10 et 20%, selon la situation de chaque entreprise. Les deux parties ont également adopté dans la nuit de jeudi à vendredri la convention collective-cadre devant régir le secteur économique privé, qui constitue une vieille revendication de l'UGTA. Le patronat, engagé dans les négociations avec l'UGTA, a donc fini par accepter de mettre la main à la poche pour revaloriser les salaires, même si cette décision intervient dans un environnement économique contraignant qui ne favorise guère la croissance de ce secteur. Mais c'est un prêté pour un rendu. Les patrons privés n'ont pas signé un chèque en blanc. Il est clair que les engagements pris dans le cadre de la dernière réunion de la bipartite ne pourraient être effectifs dans les bulletins de salaires des travailleurs que si le gouvernement apporte, de son côté, son obole dans cette opération en accompagnant un peu mieux les entreprises privées à travers un allégement de la pression fiscale et des charges patronales. Il reste à savoir si le gouvernement est prêt à délier les cordons de sa bourse dans l'état actuel de notre développement économique où la croissance (virtuelle ?) continue à être tirée essentiellement par le secteur des hydrocarbures en accédant à la demande pressante du patronat en ce qui concerne la mise à niveau des entreprises privées, dont le montant est estimé pour la bagatelle de 1 milliard de dollars. Sidi Saïd a peut-être gagné une bataille en arrachant au patronat une concession, un accord de principe qui lui permettra de soigner l'image peu reluisante de la centrale syndicale. Mais il demeure suspendu à la réponse que donnera le gouvernement aux sollicitations de la centrale syndicale et du patronat. D'une certaine manière, l'UGTA fait de la sous-traitance syndicale pour le compte du patronat en se faisant l'avocat de ce dernier auprès de l'exécutif. Et elle semble aujourd'hui avoir la main heureuse et une oreille beaucoup plus attentive de la part du gouvernement sur la question de la revalorisation des salaires. Qu'est-ce qui a donc changé dans le paysage économique pour que ce qui était irréaliste et irresponsable, il y a quelques mois, devienne aujourd'hui une revendication légitime , raisonnable et raisonnée ? La réponse à cette idylle entre l'UGTA et le patronat, bénie par l'exécutif, est-elle à rechercher ailleurs ? Dans la contestation sociale grandissante et la quête de la paix sociale en prévision des prochaines échéances électorales.