La valorisation de l'acte d'enseigner consiste à accorder du mérite et de l'intérêt à l'enseignement comme levier à l'amélioration de la qualité des apprentissages au sein de la culture universitaire. En d'autres termes, la valorisation consiste à accroître sa reconnaissance au sein de l'environnement universitaire et de lui procurer de la visibilité à l'ensemble des prestations d'enseignements et des activités de planifications pédagogiques visant à améliorer la qualité de l'acte d'enseigner, et surtout de l'affirmer publiquement. A l'université moderne, l'enseignement constitue sa mission première et la question de la qualité de l'acte d'enseigner dispensé est plus que jamais au cœur des préoccupations des autorités universitaires, des doyens des facultés et des responsables de l'assurance qualité. De plus, l'un des facteurs pour promouvoir la qualité de l'acte d'enseigner est la compétence pédagogique des enseignants universitaires. Enseigner dans le supérieur est un métier qui évolue, et pourtant que font les établissements du supérieur pour préparer leur enseignant à l'exercice de cette mission première de l'université ? Hélas, la qualité de l'acte d'enseigner dans la culture universitaire ne semble pas être la priorité des responsables des établissements universitaires algériens. Ces derniers se soucient peu de la qualité des enseignements, et ils sont souvent accusés de négliger la mission première de l'université au profit de la course à l'excellence dans la recherche, et par conséquent d'ignorer la pédagogie universitaire en général et l'acte d'enseigner en particulier. Par exemple, pour le recrutement des enseignants universitaires, les promotions et le développement de la carrière professorale, la recherche est le plus souvent le critère essentiel et c'est parfois le seul critère à considérer. Les enseignants universitaires confirment que ce sont les activités de recherche qui reçoivent la plus grande part de l'attention, de l'encouragement et de la valorisation, et qui ont les implications les plus positives sur la carrière professorale. L'université algérienne est-elle vraiment aussi centrée sur la recherche qu'on le prétend ? Est-elle si réfractaire au changement et à l'innovation pédagogique en contexte de l'enseignement supérieur ? Et pourtant, la qualité de l'acte d'enseigner et des enseignements représentent les facteurs essentiels capables de créer les conditions nécessaires pour que les enseignants universitaires contribuent à l'émergence d'une culture pédagogique au sein des établissements du supérieur et à l'amélioration qualitative des formations universitaires, mais aussi de l'émergence de société plus prospère et de bien-être par le développement des compétences pour le marché du travail et pour les besoins de la société en général. La qualité des formations universitaires s'explique en partie par la nature des curriculums de formation et des programmes disciplinaires. Ces derniers sont réduits à de simples listes livresques et de titres qui fournissent des informations générales et lacunaires sur le domaine à enseigner et à apprendre. Ces programmes sont dépourvus des objectifs d'apprentissage, des critères et modalités d'évaluation des apprentissages et de syllabus explicite. De plus, les étudiants ne sont pas informés des approches, des stratégies et des méthodes d'enseignement que l'enseignant pourrait utiliser en classe pour favoriser les apprentissages. Ces programmes disciplinaires sont élaborés sans planification et sans conception pédagogique cohérente et sans l'utilisation des approches pédagogiques modernes telles que l'approche par compétence et l'approche programme. Les remarques ci-dessus ne mettent pas en cause l'expertise disciplinaire des enseignants, mais beaucoup plus leurs pratiques pédagogiques en termes d'élaboration, de planification et de conception des programmes disciplinaires en l'absence de formation des formateurs à la pédagogie universitaire. L'adoption du système LMD en Algérie aurait constitué une formidable opportunité de réingénierie de ces programmes disciplinaires. Par ailleurs, lorsqu'un nouveau diplômé universitaire est recruté comme enseignant ou chargé de cours, il était, en général, soit étudiant en doctorat, soit il vient de finir une thèse ou un postdoctoral sur un sujet très pointu. Une fois qu'il commence à enseigner, il s'agit alors de prendre en charge un ou plusieurs domaines disciplinaires qui sortent de sa spécialité stricte. A vrai dire, il est rare d'enseigner exactement dans son sujet de thèse. C'est à ce stade que l'absence d'habilité à l'enseignement se fait sentir et prend toute son importance autant que l'élaboration ou la réingénierie du programme disciplinaire dont le nouvel enseignant est responsable. Et c'est à ce stade également qu'on se pose la question cruciale sur les critères et les modalités de recrutement des nouveaux enseignants. On se pose également la question de savoir si l'université algérienne a pour objectif de recruter un enseignant avec des habilités pédagogiques ou un diplômé universitaire avec des connaissances disciplinaires ? Pour que l'acte d'enseigner et la pédagogie universitaire soient valorisés et reconnus, le ministère de l'Enseignement supérieur (MESRS) doit leur procurer une visibilité limpide, faire des propositions pédagogiques cohérentes, et prendre des actions effectives, palpables et tangibles pour motiver et encourager les enseignants du supérieur à compléter des apprentissages à la pédagogie universitaire. C'est la condition sine qua non pour espérer une mutation de l'université en faveur des enseignements de qualité dans les établissements du supérieur. Cela exige une volonté politique par la prise de décision urgente, efficace et efficiente en faveur de l'amélioration qualitative des enseignements, et donc des apprentissages et des formations universitaires en général. Les propositions pour améliorer la qualité des enseignements sont nombreuses, mais faut-il encore que le MESRS ait un écho salvateur à ces propositions et qu'il soit sensible aux enjeux de la mutation de l'université dans le domaine de la pédagogie universitaire. Ces enjeux doivent être au cœur des réflexions actuelles du MESRS, préoccupé certainement par la pertinence pédagogique de l'acte d'enseigner et la qualité des enseignements. Pour ce faire, le MESRS peut, par exemple, diriger ses actions et interventions vers les nouveaux enseignants, vers les professeurs de carrière, vers les comités de promotion et les comités de programme. Par exemple, le MESRS et les autorités universitaires doivent s'assurer, au recrutement de nouveaux enseignants, que les départements ou facultés utilisent des critères et des moyens appropriés pour évaluer les habilités d'enseignement des candidats. Ils peuvent également leur exiger au préalable une formation continue ou une certification, par un organisme reconnu, à la pédagogie universitaire avant leur recrutement et de valoriser à la hausse la pondération de ces formations dans la constitution du dossier académique. L'intégration de cette formation ou de cette certification au processus de recrutement et de sélection des futurs enseignants paraît essentielle pour s'assurer de l'acquisition des habilités d'enseignement, mais aussi de l'appropriation des concepts et principes de base en pédagogie universitaire. Cette formation ou certification doit répondre principalement à des objectifs de perfectionnement professionnel et de développement des habilités d'enseignement. Le MESRS peut encourager et instruire les autorités universitaires pour que les facultés et les départements accordent aux nouveaux enseignants un accompagnement pédagogique semblable au mentorat qui leur est offert pour l'orientation de leurs projets de recherche. Cet accompagnement ne peut se faire sans, au préalable, s'assurer de l'appropriation des concepts de mentorat en milieu universitaire, et de l'acquisition des notions de base en pédagogie universitaire tant pour les professeurs de carrière que pour les nouveaux enseignants.Le MESRS peut amener et aviser les directions des facultés et départements à mieux intégrer les nouveaux enseignants universitaires en discutant et en traitant avec eux de sujets relatifs à l'acte d'enseigner, à la notion d'apprentissage en milieu universitaire et à d'autres domaines de la pédagogie universitaire tels que la planification pédagogique d'un plan de cours, la conception de programme disciplinaire, l'évaluation des apprentissages, la planification de séance d'enseignement magistral, l'utilisation des stratégies pédagogiques en enseignement supérieur, les approches des enseignements en milieu universitaire, les courants pédagogiques en éducation et la motivation des étudiants en contexte universitaire, etc. Une autre condition pour valoriser l'enseignement à l'université concerne un sujet sensible et délicat que les autorités universitaires n'aiment pas aborder. Il s'agit de l'écart qui existe entre les mécanismes officiels et officieux de promotion qui reconnaît les réalisations méritoires de l'enseignant universitaire dans les deux volets, enseignement et recherche de la mission universitaire. En effet, l'absence de reconnaissance institutionnelle de l'investissement en enseignement est un obstacle majeur à l'engagement des enseignants en faveur de l'amélioration qualitative des enseignements et des apprentissages. Devant ce malaise, il est intéressant de noter que dans la culture universitaire, sur le plan déontologique, on a besoin d'un rééquilibrage. Le MESRS doit avoir le courage de proposer de nouveaux modèles pour reconnaître et récompenser les deux volets de la mission universitaire et d'adopter des mesures plus égalitaires en matière de promotion des enseignants. Ce modèle peut prendre appui sur une parité claire et transparente entre les activités d'enseignement et de recherche. Pour améliorer la qualité des enseignements et des formations universitaires, il est évident que l'apprentissage à la pédagogie universitaire en général et à l'acte d'enseigner en particulier représente le premier chaînon dont a besoin un enseignant pour développer les compétences enseignantes et procurer des pratiques pédagogiques interactives centrées sur les apprenants et les apprentissages. Il est également évident que le développement de nouvelles compétences pédagogiques chez les enseignants sert directement la qualité des enseignements, des formations universitaires, et donc le développement des compétences pour le marché du travail. De plus, il est également clair que l'apprentissage à la pédagogie universitaire sert à la valorisation de l'enseignant et de l'acte d'enseigner comme métier à promouvoir au sein de la société et de nos universités. De cette façon, les enseignants n'hésiteront pas à s'investir en enseignement et en apprentissage à l'acte d'enseigner et à la pédagogie universitaire. En conclusion, la valorisation de l'acte d'enseigner signifie également d'encourager le développement de compétences et des habilités en enseignement en mettant à la disposition des enseignants du supérieur les moyens de se former et de se perfectionner en pédagogie universitaire, ainsi qu'un accompagnement pédagogique. Il est également essentiel à ce que le ministère de l'Enseignement supérieur (MESRS) révise les normes de sélection et de promotion des enseignants tout en intégrant la certification ou la formation à la pédagogie universitaire comme critère de recrutement, de nomination et de titularisation.
Lardjane Dahmane ; Conseiller et concepteur en pédagogie universitaire – [email protected]