Frantz Fanon doit se retourner dans sa tombe. Il a été séduit par l'universalisme de la Révolution algérienne qui l'a beaucoup inspiré pour l'écriture de son œuvre, une écriture de combat enseignée aujourd'hui dans toutes les universités du monde. Avec le temps, il s'était identifié à l'Algérie pour laquelle il s'est battu et pour laquelle il est mort. Malheureusement, cette Algérie qu'il avait sublimée n'est plus que la pâle copie de ce qu'elle était. Elle avait dénoncé le racisme dont étaient victimes les Algériens sans voir que la bête immonde s'était installée chez elle. Depuis quelques mois, des manifestations racistes ciblant des ressortissants de l'Afrique subsaharienne sont signalées à travers le territoire national. Le comble a été atteint au mois de décembre. Cela s'était passé à Oran. Des voyous ont violé une jeune Camerounaise sous les yeux de son mari et se sont évanouis dans la nature. Or, l'hôpital a refusé de donner des soins à la victime et les services de sécurité ont refusé d'enregistrer sa plainte. Durant le réveillon, des jeunes Algériens, sans doute sous l'effet de la drogue, ont agressé des migrants subsahariens. Il n'y a pas eu de suite. Il y a de cela quatre jours, à Aïn Benian, des voyous ont pénétré dans une maison occupée par des migrants pour les agresser. Ces derniers se sont défendus et ont réussi à éviter le pire. Alertée, la gendarmerie a refusé d'intervenir. Des actes similaires ont été notamment signalés à Chéraga et Dély Ibrahim. Il y a, dans tous les cas, non-assistance à personnes en danger. Les réactions fermes des autorités et le jugement des coupables tardent à venir. Faut-il attendre qu'il y ait des lynchages et des pendaisons comme le faisait naguère le Ku Klux Klan dans les Etats du sud des Etats-Unis ? L'impunité dont bénéficient les criminels va les encourager à aller à plus de violence. Pourquoi cette passivité des pouvoirs publics face à ce phénomène ? C'est un comportement qui va à contre-courant de la traditionnelle politique de l'Algérie. Le racisme violent porte atteinte à l'image de marque du pays. L'Algérie est connue pour être une africaniste convaincue qui combat pour l'Afrique dans les forums internationaux, qui a soutenu par tous les moyens, y compris militaires, les mouvements de libération africains sans distinction. Une solidarité réciproque née durant notre lutte pour l'indépendance et qui a vu les grands leaders africains exprimer leur soutien sans faille sur la scène internationale. Comment accepter aujourd'hui que des drogués portent atteinte à ce capital et à cette grande fraternité ? Très sali à l'intérieur par le comportement de ses dirigeants, le prestige de l'Algérie va être sérieusement terni à l'extérieur. Si on n'y remédie pas rapidement, il ne faudra pas s'étonner un jour de figurer sur les listes des ONG parmi les Etats racistes.