Le réchauffement dans les rapports bilatéraux à la fois sur les plans politique et économique semble déteindre sur les questions liées à l'histoire. Pour la première fois depuis l'indépendance de l'Algérie, un ministre des Moudjahidine se rend en France pour une visite de travail. Tayeb Zitouni, ministre des Moudjahidine, est depuis hier en France pour discuter avec son «homologue» français de trois principaux dossiers, à savoir les archives, les disparus algériens durant la guerre de Libération nationale et les indemnisations des victimes des essais nucléaires effectués dans le Sahara algérien. «Il est grand temps que l'Algérie et la France se penchent sur les dossiers en suspens, notamment ceux relatifs aux archives nationales depuis le début de l'occupation française de l'Algérie jusqu'au recouvrement de la souveraineté nationale et aux indemnisations des victimes algériennes des essais nucléaires effectués à Reggane», a souligné Tayeb Zitouni lors d'un point de presse dimanche dernier, avant cette présente visite. Pour le ministre, ces dossiers passent avant la demande de repentance et les excuses sur le passé colonial que réclame l'Algérie à la France. «Le règlement des dossiers en suspens passe avant, ensuite on pourra parler d'excuses», dit-il en notant «une avancée dans la position française concernant la mémoire nationale, en témoigne la visite effectuée par le secrétaire d'Etat français aux Anciens combattants en Algérie, durant laquelle il a déposé une gerbe de fleurs devant la stèle commémorative des victimes des manifestations du 8 Mai 1945 à Sétif, outre les déclarations de hauts responsables français». Après les épisodes de la promulgation, en 2005 en France, de la loi sur les aspects positifs de la colonisation française et les appels de ce côté de la Méditerranée à la repentance de la France sur ses crimes contre l'humanité commis en Algérie, Alger et Paris préfèrent donner, depuis ces deux dernières années, un traitement «dépassionné» des pages de l'histoire commune. Un accord tacite entre les deux Etats se confirme au fil des visites sur une «pacification» du dossier de la repentance. Le réchauffement dans les rapports bilatéraux à la fois sur les plan politique et économique semble déteindre sur les questions liées à l'histoire. Paris, qui a offert tout son appui politique à Bouteflika, reçoit les meilleurs égards d'Alger et s'offre de juteux contrats économiques. Les échanges acerbes du temps du président Sarkozy ne sont qu'un vague souvenir. Bouteflika et Hollande scellent leur «cordiale entente» avec cette visite, première du genre, d'un ministre algérien des Moudjahidine en France. «Ma visite ne s'inscrit pas dans le cadre des négociations, mais vise à lever les obstacles qui les entravent», assure le ministre comme pour rassurer ses interlocuteurs français. Alger préfère laisser la question de la repentance au temps, comme l'avait souligné Tayeb Zitouni, lui-même, dans une déclaration faite quelques mois après sa nomination à la tête du département des Moudjahidine : «Tôt ou tard, la France devra reconnaître les crimes de guerre et contre l'humanité qu'elle a commis en Algérie pendant 132 ans… Et cela revient aux Algériens eux-mêmes de connaître leur histoire et de la défendre. La meilleure manière de procéder consiste à préserver l'histoire et à la transmettre aux générations futures afin de leur inculquer les valeurs de patriotisme et de fidélité au serment des chouhada.» Encore faut-il que l'histoire soit laissée aux historiens pour l'écrire et qu'elle se libère de sa condition d'otage des manipulations politiques et autres interprétations subjectives des uns et des autres. A noter que le ministre algérien des Moudjahidine se rendra aujourd'hui même à la nécropole de Douaumont pour se recueillir sur les tombes de soldats algériens morts durant la Première Guerre mondiale.