L'Iran cherche à sortir de plusieurs décennies d'isolement économique et à revenir sur la scène politique internationale après la levée des sanctions internationales. Téhéran manifeste son ambition d'être un acteur de premier rang dans la région du Moyen-Orient au grand dam de l'Arabie Saoudite, rival historique, et Israël, qui voient d'un mauvais œil le retour en grâce de ce grand voisin depuis l'Accord de Vienne sur le nucléaire. A la faveur de la levée des sanctions internationales, l'Iran et son marché de 79 millions d'habitants s'ouvrent aux industriels occidentaux. A l'exemple du protocole d'accord conclu pour l'acquisition par Téhéran de 118 avions du consortium européen Airbus pour un montant évalué à 25 milliards de dollars. La visite, mercredi et jeudi à Paris, du président Hassan Rohani — la première depuis 17 ans d'un chef d'Etat iranien —, après Rome, s'est traduite par la conclusion de plusieurs accords de coopération. Ainsi, Total a signé un contrat pour acheter à Téhéran «entre 150 000 et 200 000 barils par jour» de pétrole brut. L'Iran dispose des quatrièmes réserves mondiales d'or noir et exporte un peu plus d'un million de barils sur les 2,8 millions produits chaque jour. Le constructeur automobile PSA Peugeot Citroën a officialisé son retour dans le pays, via une coentreprise avec la société Iran Khodro qui pourra investir jusqu'à 400 millions d'euros sur cinq ans. PSA compte produire à terme 200 000 véhicules par an. Les constructeurs Bouygues et Vinci, ainsi que le gestionnaire des aéroports de Paris ADP ont aussi signé des protocoles d'accord pour développer trois aéroports en Iran. De leur côté, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et les chemins de fer iraniens (RAI) ont signé un protocole de coopération dans plusieurs domaines, dont l'exploitation de gares et le développement de lignes à grande vitesse. «La relance de la relation bilatérale entre la France et l'Iran, dans tous les domaines, avait été amorcée par la visite du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, à Téhéran le 29 juillet 2015 ; suivie d'une visite économique du ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, et du secrétaire d'Etat chargé du Commerce extérieur, Mathias Fekl, avec une délégation du Medef les 20-22 septembre 2015», a indiqué l'Elysée dans une note préparatoire au déplacement de Hassan Rohani. Au plan diplomatique et politique, l'exercice est plus délicat de par les divergences existant entre Paris et Téhéran, notamment sur la crise syrienne. Téhéran est un soutien indéfectible du président Bachar Al Assad, alors que Paris veut son départ. «Il est urgent de mettre en œuvre des mesures humanitaires et de négocier une transition politique. Elle est possible», a déclaré François Hollande, en déplorant une «négociation qui tarde à s'ouvrir» à Genève entre les belligérants sous l'égide de l'ONU. La France et l'Iran doivent ensemble «lutter contre le fanatisme, le terrorisme et l'extrémisme», notamment en partageant leurs renseignements, a affirmé de son côté le président iranien. La crise irano-saoudienne a été abordée lors de ces entretiens. Dans une allusion à l'Arabie Saoudite, le président Rohani a déclaré que «certains pays ont voulu utiliser» le terrorisme, mais «c'est une grenade dégoupillée qu'ils ne peuvent pas garder dans leur main». Les deux pays, l'Iran et l'Arabie Saoudite — alliée de Paris —, ont rompu leurs relations diplomatiques début janvier après l'exécution d'un dignitaire chiite par Riyad et le saccage de l'ambassade saoudienne à Téhéran. Le président Hollande a aussi souligné devant son homologue «l'attachement de la France aux droits de l'homme». Selon Amnesty International, la République islamique est le pays qui exécute le plus de mineurs au monde. Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé un pays devenu «l'une des cinq plus grandes prisons au monde pour les journalistes».