Rohani a l'oreille du Guide L'accord entre l'Iran et le groupe 5+1 qui a permis de résoudre un lourd contentieux de 13 ans, est considéré comme un succès majeur en politique étrangère des présidents Obama et Rohani. Le président Hassan Rohani a qualifié hier l'accord nucléaire historique et la levée de la plupart des sanctions internationales imposées pendant des années à son pays, de «nouvelle page» dans l'histoire du pays. L' accord conclu le 14 juillet 2015 avec les grandes puissances, est entré officiellement en vigueur samedi, après que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), dont le chef Yukiya Amano est arrivé hier à Téhéran, ait certifié que l'Iran avait respecté l'ensemble de ses obligations visant à garantir la nature strictement pacifique de son programme nucléaire. Parallèlement, Téhéran et Washington avaient déjà amorcé un rapprochement à la faveur de l'entente nucléaire, avec la libération de quatre Irano-Américains détenus en Iran, dont le journaliste du Washington Post, Jason Rezaian, en échange de sept Iraniens détenus aux Etats-Unis. Cet évènement traduit le rôle grandissant des modérés du clan Rohani face à l'influente confrérie des ayatollahs dont la mainmise décline au point d'inquiéter le guide suprême qui appelait, la semaine dernière, à la vigilance pour «sauvegarder la révolution». L'accord entre l'Iran et le groupe 5+1 (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine, Allemagne), qui a permis de résoudre un lourd contentieux de 13 ans, est considéré comme un succès majeur des présidents Obama et Rohani.»Nous Iraniens, nous tendons la main vers le monde en signe de paix «, a dit M. Rohani dans un message à la nation, non sans ajouter que «l'Iran n'est une menace pour aucun pays (...)». Or, ce changement de cap de la politique étrangère américaine au Proche-Orient a mis en rage les alliés traditionnels de Washington que sont Israël et l'Arabie saoudite, cette dernière craignant, par-dessus tout, une résurgence de la puissance chiite, traduite par les changements qui affectent l'Irak, et la présence agissante de Téhéran en Syrie et au Yémen. Si pour Benjamin Netanyahu, l'angoisse concerne la soi-disant volonté de l'Iran de se doter de l'arme nucléaire - arme dont Israël s'est emparée depuis des décennies, refusant de ratifier le traité de non-prolifération et d'adhérer à l'Aiea -, pour les Saoudiens en revanche l'enjeu est économique et religieux. A Hassan Rohani, donc, un double défi: d'une part, il cherche à apaiser les inquiétudes des milieux ultraconservateurs, hostiles à tout rapprochement avec les Etats-Unis toujours qualifiés de «Grand Satan» et, d'autre part, il veut tenter la «construction du pays» en attirant 30 à 50 milliards de dollars d'investissements étrangers. Dans un pays asphyxié par les sanctions de l'ONU, des Etats-Unis et de l'Union européenne, le retour sur le marché mondial attise autant les appétits que les craintes car il ne faut pas perdre de vue que l'Iran est détenteur des quatrièmes réserves de brut et des deuxièmes de gaz au monde. Ce qui implique un changement important de la carte géostratégique au Moyen-Orient comme partout ailleurs, et c'est là une hantise des pays membres du Conseil consultatif du Golfe qui ne sont pas seuls à redouter les conséquences du dégel irano-américain, impulsé par le président Barack Obama. Ce retour annoncé de l'Iran sur un marché pétrolier déjà saturé par une abondance de l'offre ainsi que la baisse des prix du brut, a déjà plombé les Bourses des monarchies pétrolières du Golfe dont celle d'Arabie saoudite, tandis que les multinationales qui voudront bien sûr profiter de la manne pétrolière iranienne, ont commencé leurs analyses des enjeux immédiats et futurs. Toujours est-il que l'accord nucléaire a été salué dans de nombreuses capitales, même si Washington a souligné qu'il resterait «vigilant pour vérifier que l'Iran respecte ses engagements». Cet effet de langage diplomatique est nécessaire car Washington se réfère toujours à l'Aiea qui a affirmé par le passé que l'Iran travaillait bien à la confection de la bombe atomique. Même si la levée de l'intégralité des sanctions sera échelonnée sur 10 ans, et leur rétablissement assujetti aux manquements de l'Iran durant 15 ans, grâce aux inspections renforcées de l'Aiea et même si les embargos sur les armes conventionnelles et les missiles balistiques sont maintenus jusqu'en 2020 et 2023, l'Iran est désormais de retour et l'Arabie saoudite, confrontée à la menace inattendue de Daesh et du bourbier yéménite, n'a aucun intérêt à envenimer la situation. C'est d'ailleurs le même choix du guide suprême Ali Khamenei qui, par-delà le discours intransigeant de circonstance attendu par les conservateurs, appuie la démarche d'ouverture patiemment construite par le président Hassan Rohani.