L'Assemblée nationale a voté hier le projet de révision constitutionnelle sur l'état d'urgence et la déchéance de la nationalité avec une courte majorité. Ira au congrès ou pas ? Depuis quelques jours, et encore plus depuis hier, peu d'analystes croient vraiment que le gouvernement en a les moyens politiques. Toute l'agitation suscitée par les attentats de Paris en novembre dernier pourrait ainsi déboucher sur une loi a minima, et l'impossibilité de la présenter au congrès, faute de majorité des 4/5es requise assurée. Mardi dans la nuit, les députés français n'ont voté qu'avec 14 voix d'avance l'article 2 de la révision constitutionnelle par 162 voix contre 148 (et 22 abstentions) sur la déchéance nationale. Cela appelle deux commentaires. Sur le plan arithmétique d'abord, cette faible majorité augure mal de la tenue d'un congrès (Sénat plus Assemblée nationale). Ceci sans présager de ce qui va se passer au Sénat, qui sera saisi de la loi dès la semaine prochaine, où le président du groupe de droite majoritaire a annoncé l'intention de la «réécrire». Par ailleurs, sur le fond, les amendements des députés ont singulièrement minimisé la portée du texte. L'article 2 de la Constitution prévoit simplement de renvoyer à la loi pour «les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu'elle est condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la nation». Le changement majeur est donc qu'il n'y a plus aucune référence à la binationalité qui avait fait polémique tant à droite (opposition parlementaire) qu'à gauche (majorité actuelle). Pas de quoi se réjouir, ont cru comprendre les députés, car c'est le flou total sur ce que la loi pourra inclure comme cas, par cette mandature parlementaire (qui s'achève en mai 2017) ou par les prochaines. Si 119 socialistes ont voté pour, 92 ont voté contre, bien au-delà de l'aile gauche du parti ou des «frondeurs». Au sein des Républicains, 32 députés ont voté pour, alors que 30 ont voté contre. Sept députés UDI ont voté pour, un contre. La quasi-totalité des députés écologistes ont voté contre sauf un, tout comme les cinq députés Front de gauche présents et les deux députés FN alors que les radicaux de gauche étaient divisés. L'ancien président Nicolas Sarkozy, qui en la matière soutient l'actuel président Hollande, a critiqué ceux qui changent d'avis comme François Fillon, son ancien Premier ministre pour qui, «en son âme et conscience», «la révision constitutionnelle n'était ni nécessaire ni utile». A la demande du gouvernement, les députés ont aussi accepté de voter l'article 1er adopté lundi, avec une marge confortable de 103 voix contre 26, ce qui signifiait un large absentéisme sur les bancs de l'Assemblée, critiqué hier par les commentateurs politiques. Le texte voté prévoit que l'état d'urgence sera «décrété en Conseil des ministres», «en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public», et en cas de «calamité publique» (événements naturels). Les députés devaient se prononcer hier après-midi par un vote solennel sur ces deux articles, avant que le texte fasse la navette au Sénat.