Dans son émission « Musiques au cœur », sur France 2, Eve Rugieri est revenue encore une fois sur le fameux concert de Ramallah qui avait été l'un des événements phares de l'année 2005. Ce concert avait fait sensation car pour la première fois des musiciens israéliens et arabes avaient joué ensemble dans ce qui s'apparentait à un orchestre de la paix. Le concert de Ramallah, qu'avait diffusé en direct la chaîne Arte, n'avait été possible que grâce à l'engagement personnel du grand chef d'orchestre israélien Daniel Baremboïm qui avait porté le projet à bras-le-corps, acceptant de travailler avec des jeunes musiciens en devenir, lui qui avait dirigé les plus grands orchestres symphoniques du monde. Homme de bonne volonté, Daniel Baremboïm avait considéré que l'enjeu, faire se rencontrer des instrumentistes palestiniens, syriens, jordaniens et israéliens, en plus de musiciens issus de pays européens qui, comme l'Espagne, s'était impliquée dans l'initiative en apportant à l'orchestre de la paix son soutien diplomatique. Baremboïm, comme les jeunes musiciens qu'il avait réunis autour de lui, était intimement persuadé qu'il fallait un tel geste spectaculaire pour apaiser les lourdes tensions qui pesaient dans une région toujours sur le qui-vive. En outre, pour les promoteurs du concert de Ramallah, il y avait une victoire à gagner contre les préjugés, la fatalité d'un affrontement permanent entre Palestiniens et Israéliens. Le choix de faire jouer cet orchestre à Ramallah était révélateur de tous les référents qui sous-tendaient le projet et l'évocation implicite du défunt président Arafat qui avait si longuement vécu ici. Les autorités palestiniennes avaient bien évidemment apporté leur caution à cet orchestre de la paix impensable il y a quelques années encore où le seul fait de parler à un Israélien était un acte de haute trahison punissable de mort. C'était donc une fulgurante évolution des mentalités qui avait permis la constitution de cet orchestre de la paix. Au programme figuraient des œuvres de Mozart, Beethoven et Brahms, compositeurs dont la complexité pouvait être un défi pour des jeunes musiciens même sous la conduite d'un grand maestro tel que Daniel Baremboïm. Aujourd'hui, ce concert de Ramallah est une parenthèse dans le contexte explosif de l'actualité du Proche-Orient. Peu après ce concert, les événements s'étaient accélérés avec l'arrivée du Hamas au pouvoir en Palestine et la radicalisation d'Israël après la victoire du parti Kadima aux élections. La violence n'allait pas tarder à reprendre le pas sur les velléités pacifistes et reléguer les efforts sincères d'hommes. Le concert de Ramallah ne pouvait cependant pas être occulté car son message avait été reçu malgré le fracas des bombes qui allaient bientôt ébranler les territoires palestiniens. Ce message consistait à dire que la musique pouvait être la meilleure passerelle entre les peuples et qu'elle pouvait transcender les réticences et les différences. Il fallait que le pas soit franchi avec cet orchestre de la paix qui avait démontré qu'il n'y avait pas que la haine qui pouvait régir les rapports entre les peuples de la région. Pour tous ceux qui y avaient pris part, le concert de Ramallah n'était pas un acte gratuit, même si personne ne pouvait être dupe des menaces d'embrasement qui couvaient d'autant plus réellement qu'elles étaient attisées par des manœuvres hostiles à la paix. Daniel Baremboïm et tous ceux qui, comme lui, croient en l'espoir sont minoritaires au regard des tentations dévastatrices des partisans de la guerre. Pour autant leurs voix auront été entendues et porté témoignage de ce qu'il y a de plus fraternel dans l'humanité. On comprend alors que la musique de Mozart, de Beethoven est universelle dans le sens où elle rapproche alors que tout est entrepris pour diviser, créer des ghettos, enfermer les peuples de la région dans une logique de destruction. L'orchestre de la paix et son concert de Ramallah en prennent d'autant plus de retentissement.