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«Les mesures prônant la rigueur accentuent le sentiment d'abandon» Hayet Bouilef. Doctorante à l'université Paris-Dauphine, inspecteur central des impôts
Confronté à une crise sévère, le gouvernement vient de prendre une série de mesures fiscales qui sont très mal accueillies par la population. Pourquoi, à votre avis ? La politique fiscale est une politique publique utilisée par tous les pouvoirs et gouvernements en place comme principal levier interventionniste politique, économique et social. De ce fait, les mesures fiscales adoptées engagent directement et indirectement l'ensemble des acteurs économiques (publics et privés) ainsi que l'ensemble des citoyens d'un Etat. Dans un contexte de crise économico-financière, le législateur fiscal envisage souvent des mesures fiscales conjoncturelles et contraignantes, en vue de pallier les déficits financiers et de remédier aux carences et dysfonctionnements générés par une économie morose, se faisant par le biais des dispositifs de politiques publiques à la fois offensives et défensives. Cependant, les mesures prises qu'elles soient de nature conjoncturelle ou structurelle, ont des impacts disparates sur les différents agents économiques. Ainsi, en vue de promouvoir l'activité économique, relancer l'investissement, renforcer la productivité et la création des richesses et des plus-values, les autorités publiques adoptent souvent des politiques offensives, notamment en matière fiscale par le biais de mesures incitatives, des dispositifs fiscaux et financiers avantageux, des dépenses fiscales… Toutefois, ces dispositions avantageuses et dérogatoires ne profitent qu'à une partie de la population. Car elles sont adressées à des catégories bien déterminées (les entreprises, l'appareil productif, promotion de certains secteurs d'activité…) telle la déductibilité des frais de la recherche scientifique. Parallèlement, d'autres mesures, de nature à solliciter des efforts supplémentaires et additionnels de contribution, sont envisagées envers d'autres catégories de la population, en vue de les impliquer davantage dans un apport croissant aux recettes fiscales (taxe sur le patrimoine, taxe foncière, taxes sur les hauts revenus, réinvestissement). Qu'en est-il pour la majorité des contribuables ? Une autre forme d'effort est sollicitée de la part de catégories de citoyens à travers la réduction des dépenses sociales, la restriction des mesures de solidarité nationale et de transferts sociaux comme autant de politiques publiques défensives. L'impact de mesures, à l'image de l'augmentation des droits de timbres sur les vignettes, sur l'établissement des passeports et des droits de TVA sur l'énergie, influence négativement certaines catégories de la population, notamment les socioprofessionnelles les plus fragiles, en se traduisant par la chute du pouvoir d'achat, l'élargissement d'un appauvrissement croissant, la généralisation et diversification des précarités énergétique, notamment suite aux mesures d'augmentation des prix des carburants. Sociale suite à la propagation du chômage et la réduction des aides sociales et des transferts sociaux. Educative suite à la situation nécessiteuse qui pousse vers l'abandon des études essentiellement chez les filles et les populations situées dans des zones éloignées, pénalisées initialement d'un manque d'infrastructures aménagées. Ces augmentations sont pénalisantes aussi bien pour les agents économiques producteurs (les entreprises, même si ces dernières bénéficient de la faculté de déduction d'une partie de leur charges d'exploitation), que pour les consommateurs finaux (les citoyens) qui supportent définitivement leurs charges quotidiennes. L'aggravation du sentiment d'injustice sociale est d'autant renforcée quand la contrepartie de l'effort fiscal et de la contribution n'est pas perçue et observée par le citoyen, qui ignore l'utilisation et l'affectation des montants collectés, quand bien même l'affectation est légalement et clairement identifiée. Ces situations précaires génèrent impérativement du mécontentement, car les populations sont davantage fragilisées par des mesures fiscales prônant la rigueur et la privation. Elles accentuent le sentiment d'abandon et de résignation chez la majeure partie de la population…. Elles nourrissent le sentiment d'iniquité et d'injustice sociale et fiscale. L'administration fiscale peut-elle contribuer à traiter les problématiques liées aux activités informelles dans le contexte actuel par le biais de la mise en conformité fiscale volontaire (MCFV) ? La lutte contre la fraude et l'évasion fiscale est une des missions principales de l'administration fiscale, a fortiori, dans un contexte de crise, où l'administration doit veiller, d'une part, à assurer une forte mobilisation des recettes fiscales. D'autre part, réaliser un niveau d'équité fiscale entre tous les contribuables. En effet, il est sans conteste que le rôle de l'administration fiscale à travers ce mécanisme est majeur. A la fois, pour assurer une forte mobilisation des ressources fiscales à travers l'élargissement de la base imposable. Par conséquent, l'accroissement de l'assiette fiscale, et ce, en saisissant les opérations de régularisation volontaires pour légaliser ces opérateurs. Cela, tout en élargissant les investigations vers leurs partenaires, non déclarés, à travers l'exploitation de l'ensemble des documents remis à la disposition des services fiscaux et bancaires. Pensez-vous qu'il y ait une volonté réelle de lutter contre l'informel ? De ce fait, la lutte contre la sphère informelle est concrète, en la réduisant au minimum à la population qui la compose. Mais cela se traduit par une certaine justice fiscale vis-à-vis de la sphère économique formelle. Des propositions en vue d'améliorer les moyens de paiements et qui participent de facto à la lutte contre la fraude prises en considération par la loi de finances 2016 ainsi que le virement électronique et télépaiement sont des outils techniques très efficaces, car ils assurent une traçabilité des sommes et une transparence de la gestion des deniers publics. Il s'agit aussi de l'amélioration du recouvrement à travers le mode de paiement «par dation», qui permet dans une large mesure la perception des dettes fiscales des contribuables non solvables, ou qui organisent leur solvabilité. En effet, le recouvrement de la dette fiscale par le paiement en contrepartie des biens de production, objets d'art, de meubles et bijoux de valeur, (en dehors de premières nécessités) renforce les efforts entamés en vue de la limitation des abus en termes de solvabilité, tout en permettant la perception des recettes fiscales certaines. Toutefois, la majeure problématique demeure dans l'élaboration rapide des textes d'application, et la célérité de leur mise en application !