En dépit du lancement des travaux, La Casbah continue de tomber en ruine sous le poids de l'apathie et de l'absence de volonté politique. La Casbah d'Alger bénéficiera d'un projet de réhabilitation de près de 200 douirate, a annoncé dimanche le président de la Fondation Casbah, Belkacem Babaci, lors d'une conférence de presse au forum d'El Moudjahid. «Le projet de réhabilitation de près de 200 douirate de La Casbah d'Alger sera lancé bientôt afin de mettre fin à la dégradation des habitations», a indiqué M. Babaci à l'occasion de la Journée de La Casbah célébrée aujourd'hui. Le directeur de l'Office de gestion et d'exploitation des biens culturels (Ogebc), Abdelwahab Zekagh, en charge de l'application du plan permanent de sauvegarde de La Casbah d'Alger, a confirmé, à l'APS, le lancement de ce nouveau «plan d'attaque» concernant des maisons et des édifices publics. Le plan touchera, selon le directeur de l'Ogebc, 51 maisons évacuées par la wilaya d'Alger suite au séisme du 1er août 2015 ainsi que 103 autres maisons de la Haute-Casbah toujours habitées mais classées «dangereuses». Ce premier plan comprend également des interventions de réhabilitation sur 7 palais de l'époque ottomane en Basse-Casbah, dont Dar Essouf et Dar El Hamra, 9 maisons historiques, haut lieu de la mémoire de la Bataille d'Alger lors de la guerre de Libération nationale, 4 hammams et 5 mosquées de la Haute-Casbah. Une enveloppe de 18 milliards de dinars a été débloquée par l'Ogebc pour financer ce plan et une partie des travaux de réhabilitation de la Citadelle d'Alger qui sont déjà en cours, précise le directeur de l'Office, ajoutant qu'une enveloppe de 5,6 milliards de dinars devrait être débloquée par l'Agence nationale des secteurs sauvegardés. Selon M. Babaci, La Casbah compte actuellement 62 000 habitants contre seulement 36 000 en 1990 pour un tissu de 1800 bâtisses. Selon l'Ogebc, la vieille cité compte 615 douirate ainsi que 1200 bâtisses coloniales à réhabiliter. De son côté, Réda Amrani, chargé du fonds documentaire au sein de l'Association de la sauvegarde de La Casbah, a souligné que ce secteur classé patrimoine mondial par l'Unesco en 1992 «n'a pas bénéficié de tout l'intérêt qui lui est dû». Un déclin irréversible Le peu d'opérations de restauration et de sauvegarde lancées par les pouvoirs publics n'a pas empêché La Casbah de tomber en décrépitude. La vieille médina perd continuellement de son éclat sous l'œil laxiste des pouvoirs publics. «Il ne reste plus grand-chose de La Casbah. La vieille ville est perdue, car il est maintenant difficile de la restaurer. Il fut un temps où il était encore possible d'agir. Maintenant, la restauration nécessite beaucoup de moyens. Le préjudice est profond et n'est désormais plus rattrapable», confie un ancien habitant de La Casbah. Le manque d'organisation et de pertinence de la part des pouvoirs publics fait que ces derniers n'avancent pas dans leur pseudo-démarche qui vise à sauver La Casbah. «Pour ce faire, il faut d'abord de la volonté politique. Or, ce paramètre est inexistant», déplore un ancien élu de l'APC. «Les squatters des douirate avaient bénéficié de plusieurs opérations de relogement, et ce, depuis les années 1980. Si l'on venait à additionner toutes ces opérations, il y a de quoi reloger 11 fois les habitants de La Casbah. Il y a donc une mauvaise gestion, d'une part, et à boire et à manger de l'autre», assure-t-il. La situation à La Casbah s'empire d'année en année. Comme un décor de théâtre oublié, des maisons, dont des pans entiers se sont effondrés, tiennent difficilement. Des arcades mauresques suspendues dans le vide attendent de périr sous l'effet du temps et de ses aléas. Des plaques de tôle tentent inexorablement de camoufler des dépotoirs que les odeurs ne parviennent aucunement à dissimuler. Le plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur de La Casbah, lancé en 2012, n'a pas apporté de résultats probants, pourtant doté de près de 900 millions de dollars. Pour faire avancer les travaux de restauration, les pouvoirs publics avaient prévu d'acheter les biens aux propriétaires, en contrepartie, ils devaient mettre à leur disposition des logements temporaires. Cette démarche a buté frontalement contre l'impossibilité de trouver les véritables propriétaires, car de nombreuses maisons étant occupées par des familles qui n'ont pas de titre de propriété. Et même dans le cas où les actes de propriété existent, les propriétaires sont souvent nombreux et ne peuvent s'entendre. Habitée depuis au moins le VIe siècle avant J.-C. par les Phéniciens, dont les contours correspondent aujourd'hui aux remparts de l'époque ottomane, de la cité modèle qui influença l'urbanisme en Méditerranée occidentale et en Afrique subsaharienne, il ne reste aujourd'hui que des photos que les anciens habitants de La Casbah accrochent sur les murs de leurs ateliers ou les devantures de leurs boutiques, comme preuve ultime d'une grandeur passée qui ne reviendra jamais.