Il y a 34 ans, Kamal Amzal (Madjid pour les intimes) tombait sous les coups des hordes islamistes à la fleur de l'âge, le 2 février 1982 à la cité universitaire de Ben Aknoun. Les étudiants de l'université Abderrahmane Mira de Béjaïa s'en sont souvenu de fort belle manière en lui rendant un hommage retentissant à travers plusieurs activités culturelles commémoratives. La résidence universitaire 17 Octobre 1961 a vécu, du 21 au 24 février, au rythme d'une célébration exubérante, fruit de l'initiative du très actif comité de cité qui porte désormais le nom de ce martyr de la démocratie et militant acharné du combat identitaire berbère. Les organisateurs ont vu grand en concoctant un programme à la hauteur de l'homme engagé qu'était le regretté Kamel Amzal. Dimanche dernier, les activités ont débuté par une exposition d'objets traditionnels, de coupures de journaux, de témoignages sur Kamel Amzal et son parcours militant, partagé entre le combat démocratique et le combat identitaire. Des dépliants ont été distribués aux étudiants avant l'organisation, le soir, d'une table ronde avec Bezza Benchikh, militant berbériste et ex-membre du groupe politiquement engagé Debaza, et Malek Sadali, autour de la vie et de la personne de Kamel Amzal. Ami d'enfance puis camarade de chambre universitaire de Madjid, Malek Sadali a apporté un témoignage vivant et chaleureux à la fois de celui qui a été derrière la création de comités autonomes des étudiants en Algérie. Le conférencier a ensuite sorti de sa poche un poème prémonitoire écrit par son défunt ami la veille de son assassinat, qu'il a lu devant un auditoire ému. En voici un extrait : «Pourquoi se lamenter/Et pleurer son sort/ Lorsqu'on sait d'avance/Je marche vers la mort/Sans peine ni souffrance/Pourquoi crier sort et destin/Sort de mon sort/Rentre et moi je sors...». Vraiment émouvant. Dans le reste du programme, la projection d'un documentaire sur l'origine du langage, la pièce théâtrale Les Kidnappings de la troupe Thafrara de l'assoiation Tizi n'Tifrith, une conférence sur le thème «Rôle et avantages de tamazight dans l'enseignement des langues étrangères» animée par Ben Taleb Ibrahim. Acharnement de l'administration Mercredi, un gala artistique nocturne était au programme avec la participation de plusieurs artistes connus de la région. Seul bémol, la défection à la dernière minute d'Oulahlou, annoncé en grandes affiches, est restée en travers de la gorge de centaines d'étudiants venus l'admirer, surtout que la voix du chanteur engagé n'a pas résonné dans le milieu universitaire depuis belle lurette. Des bémols, il y en a eu plusieurs avant et au fil de ces quatre journées de célébration. A commencer par l'interdiction d'une conférence du dirigeant du MDS, Fethi Gherras, invité par le comité dans le cadre de ses activités. Une instruction de la direction des œuvres universitaires (DOU) interdisant toute «activité partisane» à l'intérieur des franchises universitaires est tombée, attisant la colère des étudiants qui y ont vu une mesure destinée à restreindre leur liberté d'organisation. D'ailleurs, pour exiger l'annulation de cette instruction, un rassemblement des étudiants s'est tenu hier devant le siège de la DOU. Le «refus» de la directrice de résidence d'avaliser les activités prévues en hommage à Kamel Amzal, quelques jours plus tard, l'a fait entrer dans un bras de fer avec les étudiants dont elle n'est pas sortie indemne. La responsable a, en effet, été relevée de sa fonction de directrice de cette résidence, a-t-on appris d'un étudiant, suite à un rassemblement conjoint des étudiants et des travailleurs remontés contre la «gestion despotique» régnant dans leur milieu de travail. En dépit de cet acharnement de l'administration, les activités ont fini bien par avoir lieu. Seule la sortie prévue vers Tifferdoud (Tizi Ouzou), le village natal de Kamel Amzal, a été annulée. Bien informé, Agour Baali, président du comité autonome des étudiants de la résidence universitaire 17 Octobre, croit savoir que cette annulation serait liée à l'organisation dans cette région du troisième congrès du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK).