Il y a trente ans, le Premier ministre suédois était assassiné. En tant que défenseur des mouvements de libération dans le Tiers-Monde, il a soutenu l'Algérie dans son combat pour l'indépendance. Trente ans après son assassinat, le souvenir d'Olof Palme, Premier ministre suédois entre 1969-1976 et 1982-1986, perdure. «Cela reste une plaie ouverte», a d'ailleurs déclaré le Premier ministre suédois, Stefan Lofven, lors de l'hommage organisé, il y a quelques jours, à sa mémoire au cimetière de Stockholm, près du lieu où il a été assassiné trente ans auparavant. Le 28 février 1986, Olof Palme a été froidement abattu à la sortie du cinéma où il était avec sa femme. Il avait alors 59 ans. «Olof Palme est issu d'une famille de la haute bourgeoisie. Sa mère était d'origine lettonienne, et son père avait des origines d'Allemagne du Nord et des Pays-Bas. Il fait des études à l'université de Stockholm et à Kenyon Collège, aux Etats-Unis. Il parcourt le pays, voit le racisme et la pauvreté, et à son retour en Suède, adhère au mouvement social-démocrate. Il est président de l'Union des étudiants suédois et joue un rôle important dans le Mouvement international des étudiants. Il se lance ensuite dans la politique. Membre du Parlement suédois en 1958, ministre en 1965, puis Premier ministre», raconte Anders Ferm, diplomate, homme politique, et ancien conseiller d'Olof Palme. Mais au-delà du personnage politique, quel homme il était ? Complot «Ce que son mentor et prédécesseur a dit de lui en tant que Premier ministre et chef du parti, Tage Erlander, est sans doute la meilleure réponse à cette question, soutient Kjell Östberg, professeur d'histoire à l'université Södertörn et Suède, et directeur de recherche à l'Institut d'histoire contemporaine, dont les biographies d'Olof Palme servent de référence. Lorsque les enquêteurs lui ont demandé quel homme était Palme en dehors de la politique, il a simplement répondu : ‘‘Mais c'est un homme politique''», poursuit-il. De son côté, l'auteur et historien suédois, Claes Henrik Berggren Arvid, confie : «Dans les tragédies classiques, quand le héros rencontre la mort, c'est une conséquence des événements de sa vie. Cela ne vaut pas pour Olof Palme. Nous ne connaissons pas de lien entre l'homme qu'il était ou ce qu'il avait fait, et son assassinat brutal. Les spéculations autour de sa mort et les théories du complot qui alimentaient les discussions de l'époque ont jeté un froid sur le personnage et n'ont pas aidé à faire avancer l'enquête à trouver celui ou ceux qui ont commis cet acte. Malheureusement, au lieu de nous rappeler la vie d'Olof Palme et ce qu'il a accompli, on s'est concentrés sur cette sombre affaire et les spéculations infondées autour de son personnage.» Audacieux Ce dernier poursuit : «Olof Palme était un opérateur audacieux sur la scène politique internationale. Déjà en tant que jeune étudiant au début des années 1950, il a réalisé que d'énormes problèmes accompagneraient le démantèlement de l'empire colonial. Il a immédiatement pris parti en faveur d'un soutien pour tous les petits pays qui ont combattu pour l'indépendance nationale. Palme a été parmi les premiers hommes politiques européens à prendre la parole contre l'intervention des Etats-Unis au Vietnam et il est resté opposé à la guerre jusqu'à la fin.» Olof Palme était aussi un ami de l'Algérie. Il a soutenu le peuple algérien dans sa libération. «Palme était un des leaders qui soutenaient les pays du Tiers-Monde. Il a d'ailleurs sévèrement critiqué le régime de la France en Algérie. Dans une interview accordée au journal suédois Aftonbladet, Olof Palme a parlé de l'Algérie et du FLN, et a défendu les mouvements de libération dans le Tiers-Monde», se souvient Mats Myrstener, auteur et bibliothécaire des archives du Mouvement du travail et archiviste de l'université de la Croix-Rouge de Stockholm. De son côté, Kjell Östberg ajoute : «La guerre d'indépendance était un événement très important pour la Suède, solidaire avec l'Algérie. Auteurs, journalistes et étudiants, tous protestaient contre les abus de la France. Olof Palme, lui, orchestrait des collectes en faveur des insurgés du FLN.» Bouteflika En 1962, l'Algérie fête son indépendance. C'est à cette occasion qu'Olof Palme visite l'Algérie pour la première fois. Etant donné qu'il avait suivi l'évolution de la guerre de Libération, il pouvait donc constater par ses propres yeux ce qu'il en était réellement. Il a eu l'opportunité d'être guidé par des militants de l'indépendance et de visiter les lieux démolis par la guerre. C'est là qu'il rencontre Abdelaziz Bouteflika, ministre de la Jeunesse et des Sports, à l'époque. «En 1974, il visite l'Algérie en tant que Premier ministre. Il rencontre alors le président Boumediène. Le 12 novembre 1974, il a fait un discours en Algérie lors d'un dîner avec le président Boumediène», se rappelle Kjell Östberg. «A cette occasion, il a aussi rencontré Yasser Arafat de Palestine, qu'il a beaucoup soutenu», conclut-il. En effet, d'après Anders Ferm : «Olof Palme a critiqué Israël pour son occupation de Palestine à de nombreuses reprises. Il a aussi critiqué les juifs à Stockholm, a manifesté contre eux.» Pour Henrik Berggren : «Les gens ne se souviennent pas uniquement de lui à cause de ce qu'il a accompli dans un sens mondain, mais aussi pour sa vertu morale et manière d'être. La plus grande caractéristique de Palme a été, à mon avis, sa capacité à être à la fois un moraliste et un pragmatique. Il était un homme politique brillant qui a succédé comme quelques autres à combiner des convictions passionnées avec des résultats pratiques».