Les attentats de Bruxelles ont eu lieu quelques jours seulement après l'arrestation de Salah Abdeslam, présenté comme l'un des principaux instigateurs des attentats de Paris en novembre 2015. Certaines sources médiatiques évoquent un lien direct entre les deux événements. Qu'en pensez-vous ? Au-delà de l'arrestation de Abdeslam et les attentats de mardi à Bruxelles, les autorités belges et françaises avaient alerté sur le risque très élevé d'attentats. Le problème consistait à répondre aux questions : qui, quand, comment et où ? C'est pourquoi, des mesures de protection exceptionnelles avaient été prises, particulièrement en Belgique. Ces dernières avaient été complétées par des enquêtes approfondies qui ont amené à de nombreuses perquisitions et ensuite à l'arrestation de Abdeslam. Mais ce fut un succès incomplet. En effet, des suspects étaient parvenus à s'enfuir. Certains d'entre eux n'avaient pas été identifiés voire pas découverts. Pour revenir aux attentats de Bruxelles, il est vrai qu'au moins deux terroristes en lien avec le réseau où figure Abdeslam (les frères Ibrahim et Khalid El Barkaoui, ndlr) ont été identifiés, le premier à l'aéroport Zaventem et le second dans le métro de Maelbeek (Najim Laachraoui a été également identifié comme étant le deuxième kamikaze de l'aéroport, ndlr). Pour le reste des détails du lien supposé entre les attentats de Paris et ceux de Bruxelles, il convient d'attendre la suite des enquêtes toujours en cours en France et en Belgique. Daech qui a revendiqué ces attentats renoue ainsi avec les actions terroristes les plus redoutables ; en l'occurrence s'en prendre aux transports en commun à grande fréquentation quotidienne. Dans quel objectif stratégique à votre avis ? Daech a étendu ses opérations terroristes en dehors de son «berceau» syro-irakien depuis le printemps 2015. En effet, subissant quelques revers opérationnels sur ce théâtre de guerre, la choura, l'organe de commandement du mouvement salafiste-djihadiste, a décidé d'exporter la violence à l'extérieur. Ses premiers efforts ont été portés vers l'Egypte, la Libye et le Nigeria où des groupes terroristes, qui existaient déjà, avaient fait allégeance à Abou Bakr Al Baghdadi, alias «le calife Ibrahim». Le premier attentat significatif a été l'explosion de l'Airbus russe de Charm El Cheikh. S'en est suivie une série d'attentats au Liban, en Tunisie, dans le Sinaï et en France en novembre dernier. Les attentats de janvier 2015 (contre Charlie Hebdo et l'Hyper Casher, ndlr) étaient l'œuvre d'Al Qaîda et non pas de Daech. Les autres attentats menés au Sahel, dans les pays limitrophes et en Somalie sont aussi l'œuvre d'Al Qaîda via ses filiales Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) et le groupe les shebab. Il convient de se rappeler qu'il y a une certaine «concurrence» dans l'horreur entre les deux mouvements salafistes ; c'est à celui qui sera le plus offensif ! Je pense que viser des transports en commun est destiné à marquer l'esprit de l'opinion en faisant un maximum de victimes. Il y a aussi le côté symbolique de ces objectifs qu'il ne faut pas négliger. A travers la Belgique, c'est l'Europe qui est visée et, plus généralement, les Occidentaux. A chaque attentat, la question de l'échec des services de renseignement du pays ciblé est mise en avant. Etes-vous d'accord avec certains experts qui remettent en cause le travail de la police belge, notamment depuis les attentats du 13 novembre 2015 en France ? L'Algérie est malheureusement très bien placée pour savoir que la sécurité à 100% n'existe pas, même avec des services de sécurité particulièrement performants. Le terrorisme est un combat du «faible au fort», le faible ayant l'initiative du lieu et du moment. De plus, il est relativement aisé d'atteindre des «cibles molles» comme le hall d'entrée d'un aéroport. La sécurité débute vraiment au niveau des guichets d'enregistrement. Je ne parle pas du métro, des salles de spectacle, des lieux de loisirs, etc. Dans ce cas, quelles seraient les solutions envisageables pour diminuer le risque terroriste en Europe sans réduire davantage les libertés individuelles ? Il est évident que la sécurité est le premier droit des citoyens. Il va falloir les convaincre – ainsi que tous les dirigeants politiques dont certains ne se considérant pas encore en état de «guerre» – que cela nécessite quelques sacrifices au niveau des libertés individuelles : le fameux PNR (Passenger Name Record ou registre des noms de passagers, ndlr), les contrôles plus fréquents, etc. Il n'y a pas de solution miracle contre le terrorisme mais un ensemble de mesures à mettre bout à bout. Je pense, en particulier, qu'il faut créer un espace judiciaire européen, car si les terroristes ne connaissent pas de frontières, les législations si. La coopération des services de police et de renseignement européens est déjà excellente, mais elle s'appuie, comme dans toute démocratie, sur la loi. Il serait utile d'effectuer une harmonisation judiciaire au moins dans les domaines du terrorisme et du crime organisé.