A yeux de son wali, Tamanrasset est un pôle géostratégique africain à créer, une plateforme d'échanges économiques et commerciaux en devenir. Tout le reste n'est que fioriture et Belkacem Silimi compte bien y remédier. Neuf mois après son installation à la tête de cette wilaya aux mille maux, il nous accorde une entrevue mêlant entrain et rigueur, où il évoque les défis relevés par son exécutif, dont le développement local, la situation sécuritaire, le tourisme, l'immigration clandestine et bien d'autres créneaux en mesure de booster cette région emblématique du Sud algérien. Quelles sont les priorités que vous vous êtes fixé depuis votre installation ? La remise en état de la voierie de la commune de Tamanrasset, l'éclairage public, qui devrait se remettre à fonctionner, et les voies permettant aux gens de circuler normalement. Il y a encore d'autres choses, bien évidemment. Le problème de la propreté de la ville, le phénomène des constructions illicites, qui a pris de grandes proportions. Il y a aussi le développement industriel et économique d'une manière générale qui nécessite un peu de réflexion pour choisir une orientation idoine, car la wilaya œuvre à mettre fin au bricolage, notamment par l'amélioration urbaine. Nous avons transmis un dossier complet pour étude, c'est un programme ambitieux qui touche tous les aspects, dont la voierie, l'éclairage public, les trottoirs et les avaloirs. Le même dossier prend également en charge l'enlèvement des déchets ménagers et leur traitement dans la ville de Tamanrasset. La création de zones industrielles dans la wilaya est-elle à l'ordre du jour ? Une zone d'activités économiques est prévue à la sortie nord de la ville, son extension se prépare. Les voies sont tracées, le bitumage va se faire. Les réseaux d'électricité, d'AEP et d'assainissement sont prêts. Reste l'assainissement des listes de bénéficiaires qui ont pris des terrains et n'en ont rien fait. Nous avons procédé à l'annulation de beaucoup de décisions afin de permettre à de bons investisseurs de conquérir le terrain. La zone industrielle de Tit (40 km au nord du chef-lieu de Tamanrasset) est la seconde au programme. Elle s'étend sur une superficie de 400 hectares et permettra d'assurer un bon développement de la wilaya. Le choix du terrain a été fait, mais son aménagement nécessite une importante enveloppe. D'où la préparation de fiches techniques bien ficelées pour convaincre le gouvernement. Tamanrasset, ce n'est pas uniquement le chef-lieu de la wilaya, c'est aussi un pôle géostratégique africain à créer. L'idée est de permettre l'épanouissement des échanges économiques et commerciaux, y compris le troc avec l'Afrique. Des mesures seront bientôt prises au niveau central, principalement avec le nouveau port de Cherchell d'une capacité d'accueil de 6 millions de containers dont une partie transitera par Tamanrasset pour aller en Afrique. Nous préparons tout cela, à commencer par les infrastructures routières et les infrastructures d'accueil. Qu'en est-il du secteur agricole ? La wilaya recèle des potentialités agricoles énormes. 800 000 hectares cultivables sont recensés. Nous avons le sol et l'eau, deux éléments importants malgré les disparités zonales qu'il faut prendre en considération. A titre d'exemple, In M'guel ne dispose pas d'eau comme In Salah, tout comme Tazrouk, Abalessa et Silet. C'est en fonction des potentialités hydriques que le développement se fera. Le cap est actuellement mis sur In Guezzam et In Salah, mais les autres régions bénéficieront probablement de petits lots permettant à leurs propriétaires de vivre confortablement. Notre espoir c'est de trouver des gens capables de mettre en valeur de grandes parcelles afin de développer une agriculture bénéfique participant à la sécurité alimentaire de la nation. Nous privilégions les grandes cultures stratégiques, une agriculture moderne, dont la céréaliculture, l'arboriculture la phœniculture, les aliments du bétail et l'élevage qui peuvent insuffler une nouvelle dynamique. Un programme portant distribution de 1000 chamelles est mis en place, 300 têtes ont été reçues. Les professionnels déplorent la situation du tourisme, que leur répondez-vous ? Tamanrasset bénéficie d'une mauvaise publicité. Elle est loin, sale. Certains sont démotivés et complètement désintéressés de la visiter. Nous œuvrons à changer cette image. Le raid organisé récemment d'Alger à Tamanrasset à permis de faire connaître cette région et plus particulièrement à la communauté algérienne installée à l'étranger. Ils étaient émerveillés. C'est à nous de faire que Tamanrasset soit belle. Il faut qu'il y ait une prise de conscience, une éducation civique. Nous encouragerons les belles initiatives, d'ailleurs une enveloppe budgétaire récompensera le quartier le plus propre ainsi que la plus belle commune. La campagne de nettoiement initiée par des volontaires n'a malheureusement pas fonctionné, l'Etat doit prendre des mesures rapides et nous comptons créer une entreprise de wilaya chargée de la collecte et du traitement des ordures pour venir à bout de ce phénomène. Lorsque la ville sera relativement propre, on passera au tri sélectif. Les ratissages se font plus nombreux dans les quartiers du chef-lieu de wilaya. La situation sécuritaire est-elle préoccupante à Tamanrasset ? Pas du tout. Ce sont des opérations tout à fait normales. Tamanrasset est une zone connue pour ses caractéristiques, il y a nécessité d'agir parfois. Je n'y vois rien d'extraordinaire, la situation sécuritaire est bonne. Qu'en est-il des migrants relâchés récemment dans la ville ? Des contingents de Nigériens ont effectivement été relâchés parce que les circonstances ne s'accordaient pas, mais nous avons repris l'opération. Pour ce qui est des migrants qui se cachaient derrière les Nigériens, nous avons demandé à ce qu'il y ait une opération de rapatriement spéciale, sachant qu'elle ne pourrait pas se faire actuellement à partir de Tamanrasset. La décision ne relève pas du wali. Seuls les ressortissants nigériens sont concernés par le rapatriement. Peut-on savoir pourquoi vous tenez toujours à la fermeture de la station de carburant d'Abalessa bien que vous soyez débouté par le tribunal administratif ? La wilaya a fait appel. Il faut savoir que la station d'Abalessa est fermée depuis fin novembre 2015 et il n'y a eu aucune tension. La fermeture a été décidée suite à une question d'ordre public. Une quantité astronomique de carburant destinée à la contrebande y a été découverte. Si on refuse à l'Etat le droit d'agir pour éradiquer la contrebande, il faut le dire. Soit ouvrir les yeux et se dire les quatre vérités ensemble, soit les fermer. Il est plus qu'impératif de jouer l'ouverture, à travers la création d'une base économique à Tamanrasset. Les trafiquants, je les catégorise. Il y a ceux qui vivotent et qui demandent essentiellement un travail et ceux qui acheminent des dizaines de milliers de litres de carburant hors de nos frontières. Ne me demandez surtout pas de leur laisser leur source d'approvisionnement. L'administration dispose de tout un arsenal de lois pour réguler cette activité, d'autant plus qu'on est dans une période favorable à cause de la hausse des prix du carburant. Nous nous devons d'être vigilants. Quand on découvre un trafic de 150 000 litres de carburant on se demande forcément d'où vient cette quantité. Le trafic se passe chez nous et pas ailleurs. La fermeture de cette station service n'incombe qu'au wali et s'il faut retirer l'agrément, nous le ferons. Mais nous attendrons la décision de la justice.