Le takfirisme et les idées wahhabites constituent la principale menace sécuritaire contre l'Algérie, une menace idéologique dont les enjeux géostratégiques liés à la mondialisation ont permis son expansion. C'est ce qu'ont affirmé à l'unanimité les universitaires ayant pris part, les 21 et 22 avril, au séminaire intitulé «Mondialisation et enjeux géostratégiques», un évènement académique organisé et animé par les étudiants en mastère philosophie et analyse géostratégique de l'université Oran 2. Intellectuels, artistes et chercheurs ont rehaussé de leur présence ce rendez-vous, aux côtés des représentants du commandement régional de la Gendarmerie nationale et de la 2e Région militaire ainsi que ceux de la Direction générale de la Sûreté nationale. Les participants ont mis l'accent sur l'importance de coordonner les actions pour mener d'abord un combat d'idées contre la menace terroriste et le radicalisme. «Aujourd'hui, le phénomène Daech, ou Etat islamique comme il se nomme, est devenu une interprétation libre et directe du wahhabisme. C'est-à-dire que toute opposition à la politique internationale de l'Arabie Saoudite est interprétée spontanément par les terroristes comme un casus belli, considérant l'autre comme apostat ou mécréant, ce qui comporte la peine de mort sans besoin de fatwa préalable», analyse le professeur Berriah Mokhtar, directeur du mastère au département de philosophie, qui a révélé que «le terrorisme, incarné par l'EI a atteint un nouveau palier d'évolution et que sa genèse est au stade final». Faisant le lien entre la mondialisation et la menace, M. Berriah explique que le «phénomène du terrorisme international sert les fondements du mondialisme qui cherche à distiller la notion de souveraineté et à éliminer les frontières physiques ou en réduire le sens. Cependant, la mondialisation n'est qu'un aspect du mondialisme et c'est la notion d'intérêt qui détermine les alliances cachées et les comportements. Plus explicitement, tant que le danger est loin des pays occidentaux et que les marchés continuent à tourner, celui de l'armement notamment, la lutte contre la menace terroriste ne sera que symptomatique et les frappes occidentales, malgré la supériorité en puissance, seront inefficaces». Ces deux journées d'étude, qui se sont soldées par plusieurs recommandations, ont permis d'actualiser certains concepts et d'apporter une nouvelle lecture des menaces sécuritaires contre notre pays, qu'elles soient internes ou externes. «L'extrémisme est parmi nous, c'est le ‘moi' algérien et il faut corriger la tradition religieuse en revenant à notre propre héritage islamique algérien et nord-africain tout en éliminant les notions étrangères véhiculées par le wahhabisme», a ajouté M. Berriah. De son côté, le grand philosophe contemporain Boukhari Hamana, qui a d'ailleurs présidé la première séance du séminaire, a insisté sur «l'importance de valoriser la culture et les spécificités de notre pays, car la mondialisation est d'abord une homogénéisation des comportements avec le risque d'un déracinement total des peuples». Zaoui Wael, étudiant en mastère, qui a présenté une analyse sur les alliances après la fin de la guerre froide, a souligné que l'axe de résistance au mondialisme cherche d'abord à sauver l'Etat-nation en intégrant notamment l'exception culturelle dans les rapports et les échanges mondiaux : «Il est impératif pour nous (en Algérie) de régler la question identitaire pour faire face solidement aux menaces plurielles qui hantent la paix sociale.» C'est ce que confirment d'autres intervenants, comme Didi Abdelkader ou Boumedienne Bengharrèsse, qui rappellent que l'objectif, aujourd'hui, est d'être au diapason des échanges commerciaux et de la technologie, sans pour autant se soumettre aux règles du mondialisme. Cela se manifeste par exemple à travers de longues négociations pour l'accès à l'OMC, parallèlement à une attitude claire et sans ambigüité quant aux questions politiques internationales. «C'est tout simplement l'idéologie algérienne : non-ingérence dans les affaires des Etats et soutien indéfectible aux causes justes, comme le droit des peuples à l'autodétermination.»