C'est par une radieuse journée printanière du 23 avril 2016, plus d'un demi-siècle après qu'un lieu symbolique d'éveil au savoir a renoué des liens avec ceux dont il a bercé l'enfance studieuse des années durant. C'est l'école de l'ex-Rampe Valée, actuellement la Soumam Rampe Louni Arezki qui a accueilli ses anciens élèves scolarisés au cours de l'année 1950 en compagnie de leur premier instituteur, le professeur Bouamrane Cheikh, l'actuel président au Haut conseil islamique (HCI). Ceux-ci, aujourd'hui septuagénaires, venus en nombre ont été ravis de la rencontre pour le revoir 66 ans après et revisiter ainsi une époque charnière de leur existence où leur maître, éducateur et pédagogue émérite accompagnait en guide et souvent en protecteur face à l'adversité ségrégationniste coloniale, soucieux de l'épanouissement moral de ceux qu'il considérait comme ses propres enfants. Dès son arrivée à la porte de l'école sur un fauteuil roulant, le Pr Bouamrane, aujourd'hui âgé de 92 ans, a été accueilli par une salve de youyous et des tonnerres d'applaudissements avec un magnifique bouquet de roses offert par la directrice de l'école accompagnée de deux jeunes élèves. Visiblement très ému, celui-ci n'a pas cessé de scruter tous les lieux et les alentours de l'établissement ainsi que les visages qui l'entouraient dans de profonds soupirs de réjouissance, ceci en compagnie de certains de ses enfants qui ont vu le jour à l'école où il a enseigné et habité pendant plus de 6 années. Des retrouvailles émouvantes où des évocations et témoignages des anciens élèves qui à la prononciation de leurs noms éveillait le regard du Pr Bouamrane qui, bien qu'affaibli, ne cessait de porter en leur direction un regard de tendresse. Ce sont les Yahia Bouraba, Merzak Khalfouni, Mourad Tidadini, Omar Saoudi, Mustapha Mameri, Rezki Bentayeb, Lounis Aït Aoudia, Madjid Djebara le frère du regretté Omar Djebara l'inoubliable vice-président de l'association et d'autres. Tous étaient figés par une poignante sensation d'affection de revivre un instant de souvenir de la première rentrée en classe avec leur maître, Monsieur Bouamrane comme ils aimaient bien le désigner, un des leurs, algérien avec son imposante et impeccable prestance en blouse noire d'usage professionnel, cravate et lunettes écaillées à la mode de l'époque. Pour la jeunesse présente en force ce jour-là, il faudra lui révéler que cette école a eu aussi un élève qui deviendra plus tard son idole-phare de la chanson chaâbie, le génial Amar Ezzahi. Les noms des collègues d'antan du Pr Bouamrane ont été rappelés par la pensée, particulièrement Loumi Salem, un ami d'enfance d'El Bayadh sa ville natale et figure marquante de l'école, Zalouk, Ounas, Charavel avec son inséparable béret, pour ne citer que ceux-là avec le directeur Escheynes, une personnalité libérale, populaire du quartier, ami des Algériens qui était aussi le père du célèbre violoniste de réputation mondiale Marc Escheynes avec son trio artistique très en vogue en cette période. Devant une nombreuse assistance réunie dans la vaste salle de conférences de l'école, la vie ainsi que le parcours intellectuel et culturel du professeur Bouamrane Cheikh ont été retracés par l'auteur de ces quelques lignes qui fût aussi son élève, ceci soutenu didactiquement par l'exposition de ses nombreux ouvrages exposés et harmonieusement exhibés par intermittence par des jeunes membres de la chorale de l'école avec le concours imaginatif de Rabah Haouchine qui, en modérateur et poète inspiré, a assuré une animation fertile en évocations et souvenirs à la satisfaction d'un auditoire très attentif et transposé dans l'univers cyclique d'un passé à travers ses implacables rotations des âges et du temps. Le corps enseignant, l'encadrement pédagogique, les chefs d'établissement, les élèves ont avec motivation contribué au succès de ce véritable pèlerinage de la mémoire où la directrice de l'école La Soummam, Madame Houria Boukhouidem, s'est investie et a concouru au succès de l'événement. Des personnalités de premier plan étaient également présentes à ce rendez-vous de retrouvailles, à l'image de Ali Haroun, Ahmed Doum de la Fédération de France du FLN historique, Zahir Ihadadene, Tahar Gaïd, Saïd Chibane, des historiens et penseurs de notoriété, certains membres de la direction du Haut Conseil islamique, Noureddine Saoudi, musicologue et directeur de l'Opéra d'Alger, ainsi que les présidents des Assemblées populaires communales de La Casbah, MM. Rachid Ibadiouene et Athmane Sahbane de Bab El Oued. Ceux-ci ont enrichi en la circonstance la résurrection du souvenir à travers d'éloquents témoignages sur les valeurs humaines et intellectuelles, ainsi que l'œuvre littéraire et philosophique du professeur Bouamrane Cheikh. Enfin, cette rétrospective temporelle de l'hommage consacré au Pr Bouamrane Cheikh se veut être essentiellement un acte de pédagogie de la mémoire pour le renouement avec l'échelle des valeurs de la société algérienne où, jadis, le savoir et ceux qui le diffusaient, notamment l'instituteur qui formait des générations successives, étaient une référence traditionnelle d'ancestralité de grande considération, de respect et de gratitude unanimement voués dans la constante reconnaissance à leur égard. Lounis Aït Aoudia : Président de l'Association des Amis de la Rampe Louni Arezki-Casbah