La ville d'Akbou n'a pas l'habitude de voir défiler dans ses rues ce genre de passants singuliers et plaisants. La rue principale de la ville d'Akbou a été, dimanche, de 9h à midi, le théâtre d'un spectacle inédit dans les annales de la région. Les citoyens, vaquant à leurs occupations quotidiennes, ont été surpris par quatre marionnettes géantes précédées d'une troupe d'idhebalen surgie de la place des Martyrs, imposant ainsi un décor et une production des plus attractifs. Transportées et manipulées par des jeunes stagiaires en la matière, les quatre marionnettes représentent une femme portant une robe kabyle, un homme en tenue traditionnelle, un vieil homme costumé et un adolescent dont le rap et le hip-hop ont influencé la tenue vestimentaire, allusion potentiellement faite à une cohabitation de la tradition avec la modernité, toutes harmonieusement vécues. Tout le long du parcours reliant la place des Martyrs à la placette de la mairie, le public, associé malgré lui à l'événement, a eu droit à un spectacle de marionnettes dansant au rythme d'idhebalen produisant des chants populaires kabyles. «C'est animé non sans rebuter les traditions locales. Je suis subjugué !» commente un vieil homme. La grande fête a commencé dès que les élèves des établissements limitrophes se sont joints à l'ambiance, réagissant joyeusement à tous les «gestes» des marionnettes. Cette production s'inscrit dans la réception de la première partie du projet intitulé «Des rues et des rêves», initié par l'Etoile culturelle d'Akbou (ECA), en partenariat avec deux associations évoluant en France, à savoir la Compagnie des grandes personnes et Touiza solidarité Île-de-France. Cette première partie, s'étalant du 2 au 9 mai, inclut l'initiation à la manipulation des marionnettes et la réalisation d'un spectacle à Alger. Ce projet vise la création d'un spectacle participatif de marionnettes géantes en Algérie, ainsi que l'encadrement et la formation d'un groupe de jeunes Algériens par la Compagnie des grandes personnes. «Ensuite, le projet sera couronné par la constitution d'un réseau d'artistes pérenne capable de transmettre et de développer ces nouvelles pratiques artistiques dans l'espace public algérien, tout en espérant l'exportation de cette discipline dans d'autres pays méditerranéens», détaille Mouloud Salhi, président de l'ECA. Et d'ajouter : «Cela répond à des urgences de notre époque en prise directe avec la jeunesse, à savoir la lutte contre l'exclusion, la délinquance et le repli sur soi.» Ce dernier a mis l'accent sur la nécessité «de renforcer les capacités des associations algériennes à agir dans l'espace public». Samedi, lors d'une table ronde sur ldes arts de la rue, les animateurs de la Compagnie des grandes personnes sont revenus sur les caractéristiques distinguant les autres disciplines de cette forme artistique. En effet, contrairement au théâtre, cinéma et autres, qui exigent un public sélectionné dans un espace cloisonné, l'art de la rue a pour vocation de se diriger vers le public sans exclusion aucune. Aussi, les marionnettes mettent en valeur plusieurs volontés et aspirations pendant leur confection. «L'habillement, les gestes, la couleur, le type de cheveux… chaque trait est choisi par une seule personne, ce qui fera de la marionnette une représentation collective», est-il expliqué. Par ailleurs, cette forme artistique œuvre à la vulgarisation du recyclage des objets jetés, et ce, en faisant valoir leur nécessité, notamment dans la confection des marionnettes. Après Akbou, le prochain spectacle sera présenté dans la ville de Béjaïa, à l'ex-place Gueydon.