Le pouvoir fonctionne toujours avec trois pieds, la répression sans limite, la corruption totale et une impunité légendaire», a déclaré le professeur d'université Abderrezak Dourari. Une rencontre autour de l'ouvrage collectif Quelle transition démocratique pour quelle Algérie ? a été animée hier à la librairie Cheikh de Tizi Ouzou par trois des 14 auteurs de ce livre coordonné par Amar Ingrachen, paru récemment aux éditions Frantz Fanon. Abdeslam Ali-Rachedi, docteur en éthologie, ex-ministre et ex-député du FFS, Abderrezak Dourari, chercheur en socio-sémiotique, et Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid, se sont attelés trois heures durant à débattre de cette question, ses enjeux et ses perspectives. Pour Abdeslam Ali-Rachedi, la prégnance du discours national populiste est le principal obstacle à la transition vers la démocratie. «L'autoritarisme du régime algérien prend sa source dans le national-populisme qui a servi de matrice idéologique. Nous ne pouvons pas passer d'un régime autoritaire à un régime démocratique du jour au lendemain», dit-il. Soufiane Djilali s'est intéressé, dans son intervention, aux aspects sociologiques du thème débattu : «L'Algérie reste figée, bloquée. La société s'est renfermée sur elle-même pour ne pas avoir à changer. Dès l'enfance, on oriente toute la psychologie vers l'ancien pour ne pas innover, laquelle innovation signifie changer les rapports de force. On a crée dans notre culture un rapport d'autorité basé sur la force et non pas sur la raison et la réflexion. Le rapport de force est l'un des fondements qui régulent notre société. Le régime algérien quand il n'arrive pas à contrôler la société recourt à la force en recrutant plus de gendarmes, en réprimant (…). L'Algérie va aller vers des secousses très sérieuses qui feront tomber le régime et les fondements de l'Etat.» Sur un autre plan, Soufiane Djilali a souligné que «l'idéologie islamiste des années 1990 est dépassée et ne pourra plus jamais remobiliser la société comme avant». Abderrezak Dourari a estimé pour sa part que le pouvoir a fait échouer une grande avancée sociale pour l'Algérie : «Le pouvoir fonctionne toujours avec trois pieds : la répression sans limite, la corruption totale et une impunité légendaire. Les décideurs sont-ils capables de maintenir une telle chape de plomb sur la société ? Ces pieds sur lesquels le système repose ne seront plus des recettes possibles à l'avenir, d'où un espoir de transition démocratique.» L'intervenant a indiqué, par ailleurs, que l'islamisme est un véritable obstacle à la transition démocratique. «L'islamisme peut constituer de nouveau une nuisance pour notre société s'il est aidé par le pouvoir», prévient M. Dourari. Et à Abdesselam Ali-Rachedi de rappeler, au sujet de la décennie du terrorisme : «Le pouvoir a commis l'assassinat symbolique des intellectuels, le FIS a fait l'exécution.»