L'économiste revient sur la dernière sortie du ministre de l'Intérieur, Nourredine Bedoui, qui demande aux walis de ne plus compter sur l'Etat pour financer leurs collectivités. Décortiquant le système fiscal national, Mohamed Achir qualifie de «presque utopique» la demande du ministre. - Le ministre de l'Intérieur demande aux walis de ne compter que sur eux-mêmes pour trouver les ressources financières nécessaires pour gérer leurs collectivités. Cette demande est-elle réaliste ? Les collectivités locales peuvent-elles vivre uniquement de la fiscalité ? C'est impossible étant donné qu'il n'existe pas encore de fiscalité locale. Il y a les impôts des collectivités, mais il n'existe pas de structure de fiscalité locale. Le système fiscal algérien est centralisé et on ne laisse que très peu de la fiscalité aux collectivités. La collectivité vit généralement de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP), sachant que même cette TAP a été réduite par la loi de finances complémentaire de 2015 de 2% à 1,5%, voire à 1% pour certaines activités. Ainsi la commune perçoit 65% de la TAP, la wilaya 29,5% et les 5,5% restants vont au Fonds commun des collectivités locales (FCCL). Ce qu'il faut retenir est que l'essentiel de la fiscalité des collectivités est constitué globalement de la TAP et de quelques TVA. Mais ce sont des affectations qui se font une fois que la recette fiscale est collectée par le Trésor public. Le reste est de la péréquation : c'est-à-dire la Caisse nationale de solidarité et de garantie des collectivités locales essaie d'équilibrer les budgets des communes. Pratiquement la quasi- totalité des communes algériennes qui sont dépendantes de la fiscalité centrale, de la péréquation (distribution) de la fiscalité. Donc la diversification des ressources financières viendra à travers une réforme globale de la fiscalité ; il faut donner la perception de la fiscalité aux élus locaux. Par ailleurs, il faut déléguer les prérogatives à la création des entreprises publiques économiques et des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). C'est la seule solution qui permettrait aux collectivités locales d'avoir un peu d'argent. Mais, je ne pense pas que les walis, les maires et les élus puissent, à court terme, trouver des ressources alternatives pour financer les budgets des collectivités. - De plus, elles ne sont pas nombreuses les wilayas qui ont sur leurs territoires des entreprises et des EPIC pouvant générer de la fiscalité… Tout à fait ! Les collectivités locales sont désarmées face à la logique rentière (distribution de la rente pétrolière). Réellement, les collectivités locales n'ont pas le savoir-faire et les compétences adéquates pour créer des EPIC qui vont faire des prestations lucratives et générer des emplois et des revenus. Il y a un désapprentissage qui s'est fait tout au long des années de la rente, donc il est très difficile maintenant de revenir à la logique d'investissement au niveau des collectivités locales. - Comment en est-on arrivé à cette situation où toutes les collectivités sont dépendantes du budget de l'Etat ? Pendant 15 ans, les walis ont harcelé sur la question de la consommation de crédits dans les délais, tellement la manne financière était à profusion. On leur demandait durant toutes ces années de consommer les crédits alloués. Donc ils se sont installés dans la logique de consommation des crédits et il n'y a jamais eu d'obligation de résultats ou de retour sur investissement. Maintenant, on leur demande d'être des acteurs économiques et de chercher des opportunités financières. C'est très difficile de changer toute une mentalité qui est ancrée depuis des années.