C'est dans un hémicycle pratiquement vide que Ghania Eddalia, ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement, a présenté le contenu et les visées du texte de loi, et ce, en présence d'un officier de l'institution militaire. Sur les 462 députés que compte l'Assemblée populaire nationale (APN) une cinquante seulement étaient présents, hier, à la séance en plénière consacrée à la présentation de deux projets de loi qui ne sont pas passés inaperçus en raison de la grande polémique et les multiples interrogations qu'ils ont suscitées. Il s'agit des textes de loi portant sur les statuts des officiers de réserve et des personnels militaires. C'est donc dans un hémicycle pratiquement vide que Ghania Eddalia, ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement, a présenté le contenu et les visées de ce texte de loi, et ce, en présence d'un officier de l'institution militaire. Pourtant il y a à peine une semaine, l'APN bouillonnait et les députés étaient tous présents lors du passage du ministre de l'Industrie et des Mines, Abdesselam Bouchouareb, pour expliquer les contours du nouveau code de l'investissement. Qu'est-ce qui a motivé ce taux d'absentéisme ? Pourquoi les députés ont déserté l'hémicycle ? Des interrogations qui demeurent sans réponse et une situation qui n'a pas dérangé le président de l'APN, même lorsqu'il a constaté que parmi les absents figuraient des députés qui s'étaient inscrits pour intervenir lors des débats. Néanmoins, les intervenants ont relevé le flou caractérisant certains articles de ce texte. Une loi qui vise, selon Mme Eddalia, la préservation de l'institution militaire des conflits politiques et la protection des institutions de l'Etat. Une mesure applaudie par les députés des partis de la majorité. Nourredine Sed, du FLN, a même proposé la généralisation de l'obligation de réserve «à tous les citoyens dignes». Baha Eddine Tliba, de la même formation, est tombé à bras raccourcis sur l'opposition qu'il accuse de vouloir «répandre la culture de l'anarchie». Le PT, qui s'est déjà exprimé sur ce projet qu'il qualifie d'«anticonstitutionnel» et «liberticide», a rappelé hier, par la voix de ses députés Rachid Khan et Djelloul Djoudi, que ce texte de loi n'est pas clair et qu'il est plus que nécessaire de définir certains concepts afin d'éviter les abus et les dérapages lors de leur application. Khelifa Hajera d'El Adala estime que le texte en question a pour unique but de «faire taire les militaires et verrouiller la liberté d'expression». De son côté, le chef du groupe parlementaire FFS, Chafaa Bouaiche, est persuadé que si ces projets de loi sont adoptés, tout propos ou discours critique pourrait être assimilé à une atteinte à l'honneur et au respect dû aux institutions de l'Etat. «L'imprécision délibérée qui marque ces projets de loi confère aux autorités publiques un pouvoir exorbitant et discrétionnaire sur tout militaire, qu'il soit officier de carrière ou de réserve», note le député FFS. Ce projet de loi, selon lui, vise à créer un domaine réservé aux autorités publiques et à interdire tout propos critique sur la place et le rôle de l'armée dans le pays. «Le devoir de réserve et la retenue ne devraient concerner que les violations du secret militaire dûment établi», explique M. Bouaiche. Le FFS s'interroge sur les véritables enjeux de ce projet de loi, ses relations avec la situation politique actuelle et avec les prochaines échéances politiques. Il est légitime, dit-il, de s'interroger et de s'inquiéter. «Cette loi ne constitue-t-elle pas une atteinte aux libertés de pensée, d'expression et d'opinion ? Il ne subsiste aucune garantie quant au respect du pluralisme et des libertés, que ce soit pour les civils ou pour les militaires. Il est où l'Etat civil qui permettra aux députés du peuple d'exercer le contrôle sur le budget de l'armée qui est de l'ordre de 13 milliards de dollars», se demande Bouaiche qui s'interroge également sur l'existence de l'Etat civil qui permettra au Parlement de convoquer le ministre de la Défense nationale et le chef d'état-major de l'ANP pour les auditionner sur des questions liées à l'institution militaire.