Les deux projets de loi portant statut des officiers de réserve et statuts généraux des fonctionnaires militaires ont été présentés, hier à l'APN, par la ministre des Relations avec le Parlement, Ghania Eddalia, en présence d'un représentant du ministère de la Défense nationale. Les deux projets qui visent à soumettre les militaires à la retraite à une obligation de réserve illimitée dans le temps ont soulevé une vive polémique. Mais, hier à l'APN, l'ambiance des grands jours n'était pas au rendez-vous. Parmi les 462 députés que compte l'assemblée, seulement quelques dizaines ont assisté aux débats. Il est quand même bizarre qu'un projet aussi controversé et relatif à l'armée soit débattu dans un hémicycle presque vide. La liste des intervenants comporte 51 députés dont dix ont préféré faire des interventions écrites. Ils étaient uniquement 14 parlementaires de l'opposition, notamment de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV) et du PT, à prendre la parole. Tout plaide donc pour le caractère expéditif des deux projets de loi qui seront adoptés… demain. Le projet portant statut général des personnels militaires impose aux retraités de l'armée l'obligation de réserve en tout lieu et en toute circonstance. L'article 24 stipule que «le militaire est tenu à l'obligation de réserve en tout lieu et en toute circonstance. Il doit s'interdire de tout acte ou comportement de nature à compromettre l'honneur ou la dignité de sa qualité ou à porter atteinte à l'autorité et à l'image de marque de l'institution militaire». Le projet de loi précise que les militaires, admis directement à la vie civile, doivent s'abstenir de tout acte, tout propos ou tout comportement susceptible de nuire à la considération des institutions de l'Etat et des autorités publiques. Les militaires à la retraite ne doivent pas, au titre des deux projets, porter atteinte à l'unité de l'ANP, à l'unité territoriale du pays et à l'unité du peuple algérien. Ils sont tenus de ne pas divulguer les secrets de l'armée, ce qui est naturel et normal. Dans leurs interventions, les députés de la majorité (FLN et RND) ont salué les dispositions des lois adoptées récemment par le Conseil des ministres. Ceux de l'opposition ont critiqué certains articles en considérant qu'ils contredisent la Constitution. Ainsi, Naâmane Laouer, chef du groupe parlementaire de l'AAV, dit craindre l'exploitation de ces lois «pour bâillonner les cadres à la retraite», estimant qu'ils comportent une sorte d'atteinte aux libertés. «On est avec l'obligation de réserve pour les militaires en exercice», a-t-il indiqué, appelant à ne pas généraliser ce devoir aux retraités pour qu'il ne soit pas utilisé à d'autres fins. Il a demandé également à définir les grades concernés par cette obligation ainsi que de la limiter dans le temps. Son collègue, Youcef Khababa, a indiqué que l'ANP est une institution au service de l'Etat algérien et n'appartient à aucun parti politique. «Il faut éloigner l'institution du jeu politique», a-t-il lancé, appelant à ne pas l'utiliser comme arrière base de pouvoir. Il a exprimé sa crainte quant à l'utilisation de projets de loi sur les officiers de réserve «pour porter atteinte aux libertés». Pour lui, les anciens militaires peuvent participer à la vie politique et faire bénéficier le pays de leur expérience. Nacer Hamadouche, de même obédience, verse dans le même sens. Il affirme qu'aucun militaire à la retraite n'a divulgué les secrets de la défense. «Ils ont critiqué les actes et les comportements de certains responsables», a-t-il précisé, craignant l'utilisation des lois pour «des règlements de compte personnels». Pour sa part, Djelloul Djoudi, chef du groupe parlementaire du PT, a indiqué que ces deux projets de loi sont proposés «au moment où on s'attendait à des lois qui empêchent les chaînes de télévision et les personnalités politiques de porter atteinte à l'armée». Pour lui, certains articles sont en contradiction avec la Constitution qui évoque l'égalité de tous les citoyens en matière de droits et de devoirs.