Des milliers de citoyens sont attendus demain à Taouritt Moussa pour se recueillir sur la tombe de Matoub Lounès. A Béjaïa, le wali a instruit les chefs de daïra de commémorer le 18e anniversaire de l'assassinat du Rebelle. La voix du Rebelle résonne toujours sans discontinuité à Tourirt Moussa, dans la daïra de Beni Douala, wilaya de Tizi Ouzou, où la maison de Matoub Lounès continue d'être un véritable lieu de pèlerinage pour les citoyens de différents horizons. L'heure est ainsi aux préparatifs pour la commémoration du 18e anniversaire de l'assassinant de ce chantre dont la mémoire sera honorée, cette année aussi, par des activités en mesure de revisiter son parcours et son œuvre. Dans le bureau de la fondation qui porte le nom du Rebelle, les organisateurs étaient déjà, mercredi, à l'œuvre pour mettre en place tout ce qui est nécessaire pour le bon déroulement de l'hommage. Malika, sœur du défunt, veillait au grain pour assurer la coordination de toutes les tâches inhérentes à cette manifestation. «On s'attend, comme à l'accoutumée, à une affluence importante. Il y a des gens qui vont venir de plusieurs wilayas. Le programme est aussi riche que varié. Il porte notamment sur des soirées d'une troupe du village qui retracera, à travers des chants liturgiques, le combat de Lounès», nous-t-elle précisé. Une exposition de photos, de livres, de coupures de presse et autres documents sur la vie et l'œuvre du regretté a été mise en place, depuis hier, à l'école primaire du village. Une table ronde sous le thème «Mouvement amazigh, combat politique, création artistique et production culturelle» sera au menu de cette commémoration, ce soir à 22h. Elle sera animée par des détenus de mai 1981 à Béjaïa, à l'image de Aziz Tari, Mokrane Agoune et Nacer Boutrit. Tombe La journée de demain sera celle des recueillements à Talla Bounane devant la stèle érigée dans le lieu où est tombé le Rebelle sous les balles assassines des forces du mal, un certain 25 juin 1998. Des milliers de citoyens sont aussi attendus pour se recueillir sur la tombe de l'artiste disparu. D'ailleurs, pour contenir la foule qui déferle, chaque année, sur la demeure de Matoub, les organisateurs ont entrepris même des travaux d'entretien et d'embellissement. «Nous essayons de faire des travaux pour rendre les lieux plus accueillants, car il s'agit des fans d'un grand symbole qui y viennent même en dehors de la date anniversaire de la mort de Lounès. Nous accueillons la moyenne de 80 personnes par jour durant toute l'année», nous dira la sœur du Rebelle qui estime que le classement de la maison Matoub est une nécessité. «Cette démarche a été entamée depuis 2008 pour son classement par l'Etat au niveau local, puis par l'Unesco, pourquoi pas. D'ailleurs, mon frère, de son vivant, voulait créer, dans cette maison, un espace culturel», a-t-elle souligné. Un concours de chant en hommage à Matoub, prévu du 27 au 30 juin, sera organisé à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. Il s'agit d'un concours qui a mis en lice 63 jeunes candidats originaires de plusieurs wilayas du pays, comme Tiaret, Béjaïa, Bouira, Sétif, Boumerdès, Alger et Tizi Ouzou. Le jury de cette rencontre sera présidé par Céline Léveillé, nièce de Matoub Lounès. «L'objectif de ce concours est de trouver de nouvelles voix et de sélectionner 50 musiciens pour préparer un concert symphonique dans le cadre du 20e anniversaire de l'assassinat de Lounès», ajoute Malika Matoub qui revient sur le procès de l'artiste qui est, selon elle, toujours ouvert. «Le procès de mon frère est toujours ouvert devant la justice. La famille de Lounès a porté plainte contre X. Nous exigeons une véritable enquête. Nous ne cherchons pas un coupable idéal», a-t-elle insisté. Mobilisation citoyenne à Béjaïa On s'apprête à honorer la mémoire du Rebelle aussi à Béjaïa. Pour cette commémoration, plusieurs activités commémoratives sont au menu. La nouveauté cette année c'est que même l'Etat s'y implique. Le wali de Béjaïa, Ouled Salah Zitouni, a exhorté les chefs de daïra à participer à cette commémoration. Toutefois, il ne faut pas se faire trop d'illusions sur le contenu de ces programmes officiels de célébration qui ne sauront déroger à ceux organisés dernièrement dans le cadre de la commémoration du Printemps berbère d'avril 1980 ou du Printemps noir de 2001 où 126 jeunes ont péri sous les balles des services de l'ordre. Sans grande surprise, le folklore avait primé dans l'élaboration des programmes de commémoration qui n'avaient laissé, rappelons-le, aucune place au travail de mémoire proprement dit, lequel seul pouvait assurer l'intervention de conférences ou autres activités pédagogiques porteuses de la charge symbolique et historique propre à ces dates. Bis repetita donc. Encore du folklore pour la célébration de la mort d'un symbole de résistance et de combat. C'est du moins ce qu'on retient du programme, version officielle, de l'APC de Béjaïa. Il se résume à un simple gala artistique place Saïd Mekbel la nuit du 25, avec Boudjemaâ Agraw. C'est ce qu'a appris El Watan du président du comité des fêtes, M. Bouchebah, qui annonce aussi la participation de chanteurs amateurs qui répondront le répertoire de Matoub. C'est déjà pas mal en attendant que le gouvernement trouve la bonne distance avec ses dates et l'inspiration nécessaire pour élaborer de meilleurs programmes. Des activités émanant de la société civile sont attendues et viendront donner un peu de relief à ces plates manifestations officielles. Parmi la kyrielle d'activités attendues, l'association Bruits des mots, en collaboration avec le Café littéraire de Béjaïa, a dédié une de ses Nuits du livre à la célébration de l'anniversaire de l'assassinat du Rebelle, sous le signe du refrain d'une de ses chansons devenu célèbre : «Ghas nekdhen achhal d ithri iguenni ur inegrara», littéralement en français «ils ont beau arracher les étoiles, ils ne sauront vider le ciel». Cette célébration aura lieu sur l'esplanade de la maison de la culture, demain à partir de 22h30, avec au programme lecture et échange de bouquins, poésie sous des airs musicaux, rencontres avec auteurs, artistes… un hommage à la hauteur du défunt Lounès. La même nuit — sauf imprévu — un panneau commémoratif représentant le défunt chanteur sera accroché à la cité CNS, non loin du siège de la wilaya. Initiative d'un groupe d'anonymes, ce panneau viendra s'ajouter à celui déjà accroché au même endroit il y a une semaine en hommage à quatre martyrs du Printemps noir, en présence d'une foule de citoyens ravis de ce geste. Dans d'autres communes et villages de la wilaya, associations et comités de villages sont à l'œuvre pour marquer l'événement. On annonce des conférences, des expositions, des témoignages et des départs collectifs vers Taourirth Moussa. Pour ces activités, espérons que l'instruction du wali aux chefs de daïra servira au moins à assurer l'accès facile des citoyens aux structures publiques disponibles. Plusieurs restrictions à l'organisation et à l'utilisation des biens publics ont été signalées ces derniers mois.