Durant le mois de juin dernier les usagers du métro de Barcelone pouvaient admirer l'œuvre du graffeur algérien, Sneak, imprimée en grand format sur un escalier. C'est en marge de la Foire internationale d'art contemporain de Barcelone que le projet SWAB stairs a orné les escaliers du métro barcelonais. Pas moins de quinze artistes, recrutés parmi les étudiants des écoles des beaux-arts, ont participé à cette édition avec dix Espagnols, un Anglais, un Canadien, un Chinois, un Argentin et bien entendu notre Sneak national, en représentant de l'Ecole des beaux-arts d'Alger. L'œuvre de ce jeune artiste bien connu dans le milieu des graffeurs algériens représente une grande sculpture entourée d'une calligraphie circulaire. Sneak, de son vrai nom Amine Aitouche, nous apprendra que la statue en question est située à la place de la Nation. Tribulations d'un Algérois à Paris : «Le travail avait commencé par une observation sur la circulation automobile, ses régulateurs et ses stagnations aléatoires, tout a commencé à la place de la Nation, au douzième arrondissement, où la sculpture est située. J'ai passé des heures et des jours aux alentours de cet immense rond-point jusqu'à ce qu'il devienne un repère pour moi dans cette grande ville où je me perds.» De cette errance urbaine, notre artiste jettera un pont vers une expérience similaire d'un autre temps et d'un autre espace. La photo de la sculpture parisienne, un bronze du XIXe siècle intitulé ‘‘Le triomphe de la République'', restera longtemps dans le portable d'Amine avec le projet de l'orner de ses fameuses calligraphies urbaines, ou calligraffitis, selon le mot-valise désormais répandu. Le déclic est venu d'Oran, plus précisément du poète parkingueur d'El Bahia (lire : Mohamed Réda, parkingueur-poète d'Akram El Kebir dans El Watan du 09/07/2016). Celui qui se fait appeler le «Poète clochard» est un fan absolu de Si Mohand Ou Mhand. Il a donc envoyé à son ami graffeur des textes du grand poète amazighophone qui avait semé, à l'aube du siècle dernier, ses immortels isefra tout au long d'un périple à pied de Larbâa Nath Irathen (Tizi Ouzou) à Tunis. «J'avais été touché par l'histoire de l'écrivain berbère, le poète errant Si Mohand ou Mhand, se souvient Amine. Par sa façon simple de se déplacer sur la terre et de son indépendance, même de la monture. J'ai donc pris un de ses textes et je l'ai réécrit en calligramme sur un bout de feuille sur une table de café. J'ai pris le calligramme en photo et fais la composition sur un logiciel basique de traitement photo sur Android… Et le résultat avait donné cette image». La composition est encore restée un temps sur le portable de Sneak jusqu'à ce qu'il découvre l'appel à participation des SWAB stairs de Barcelone. Le thème de cette édition est «La cité utopique du côté de la mobilité». Autant dire que son œuvre est en plein dans le mille. Sa proposition a été acceptée et le voilà à Barcelone pour assister à l'impression et l'application de son œuvre sur les escaliers de la station de métro Liceu sur la Rambla, à la sortie du marché Boqueria. Sneak a profité de son escapade espagnole pour réaliser un autre calligramme dans un skatepark de Barcelone. En effet, le graffiti se pratique naturellement en dehors des sentiers battus et ne saurait se laisser enfermer dans les seuls événements institutionnels. S'il était présent en tant qu'étudiant des beaux-arts, Amine se considère avant tout comme graffeur indépendant : «J'ai toujours fait du graffiti. Depuis mes 13 ou 14 ans. Je suis passé par une expérience d'études à l'USTHB. Je me suis inscrit ensuite aux beaux-arts d'Alger où j'étais, encore une fois, orienté vers une spécialité que je n'avais pas choisie.» C'est donc en indépendant que Sneak réalise ses œuvres sur les murs d'Algérie et d'ailleurs. Il est l'un des représentants de ce qui se dessine comme une véritable scène de l'art urbain dz. En collectifs ou en solo, ces artistes œuvrent à imprimer leur empreinte sur la scène internationale et à faire de nos murs des œuvres d'art éphémères dignes de ce qu'on trouve dans les grandes villes du monde.