Si les murs d'Alger pouvaient parler, ils nous raconteraient une nouvelle histoire. Le street art, mouvement d'art contemporain regroupant toutes les formes d'art réalisées dans la rue, ne cesse d'investir les rues d'Alger. Après le tunnel des facultés, les escaliers arc-en-ciel, les initiatives des artistes algérois se multiplient, donnant un souffle nouveau à la capitale. Aux moyens de quelques pinceaux et de bidons de peinture, les artistes de rue s'accaparent les murs de la ville et partagent leurs arts avec les citoyens. La semaine dernière, le photographe algérien, Youcef Krache, a pris l'initiative d'organiser une exposition de 220 photographies représentant des scènes de vie algéroise qui longeaient la rue Didouche Mourad jusqu'à la place Audin. Son but est de « rendre plus accessible l'art aux algériens et d'établir une communication, un partage autour de la photo » précise-t-il. Après trois heures, et suite à l'intervention de quelques policiers, les artistes ont du retirer leurs œuvres. Néanmoins, pour Youcef Krache, « de telles initiatives doivent continuer à se multiplier ». Le street art se décline par ailleurs à travers l'art du graffiti. La capitale avait accueilli en novembre dernier l'artiste franco-tunisien el Seed. Il réalise une « calligraffitis » sur l'une des façades d'un immeuble de Didouche Mourad. Cette œuvre avait permis de réunir les différents artistes algérois autour du street art, qui s'organisent aujourd'hui en un groupe et s'exprime dans les espaces grisonnants et abandonnés de la ville. Ahmed Amine Aitouche fait partie de ces artistes qui ont choisi la rue pour s'exprimer. « Le street art est pour nous la pratique de notre liberté intellectuelle, sociale et culturelle. Le fait de poser sa pensée chaotique sur un mur est déjà une harmonie accomplie avec la ville et ses habitants »a-t-il confié. Cette énergie nouvelle n'investit pas que le béton, elle habite aussi l'âme d'une nouvelle génération. Ces artistes témoignent d'une volonté de partage avec les citoyens, de la recherche d'un dialogue et veulent ainsi ouvrir le débat à travers la création d'un circuit parallèle d'expression. Sur les plages de la madrague, les jeunes qui s'occupaient à plonger à plat ventre ont vu leurs attentions captées par un jeune artiste, connu sous le nom de « El Panchow».Les œuvres de l'artiste sont devenues des éléments du décor. Alors que la jeunesse algérienne est constamment la cible de toutes les critiques, Ahmed Aitouche met l'accent sur la nécessité de l'encourager, de lui ouvrir la porte de la culture pour secouer le conformisme. En plus de rendre l'art plus abordable aux citoyens, le street art, de par la qualité des œuvres réalisées, vient bousculer les préjugés des graffitis anarchiques et du vandalisme qui rendaient certains quartiers « peu fréquentables ». De Tindouf à Annaba en passant Jijel, les artistes algériens peignent leur quotidien et revendiquent l'expression de leurs consciences sociales. Une des oeuvres de l'artiste Mesa (Tindouf) Loin d'être du vandalisme, le street art exprime un besoin viscéral des jeunes artistes de rendre compte de leur réalité, d'échapper à la monotonie qu'ils subissent afin d'habiller leur quotidien de nouvelles couleurs. Pour Ahmed Amine Aitouche, Youcef Krache et bien d'autres, le street art, qui défie tout cadre légal, n'a pas encore dit son dernier mot. Asma Benazouz