La ville devient l'habitat principal de l'Homme. Et la tendance se confirme. Les ¾ de l'humanité seront des citadins d'ici le milieu du siècle. Mais ce n'est pas pour autant que l'homme aura coupé tous les ponts avec le beau. Bien au contraire, des progrès sont accomplis pour donner aux matériaux de construction apparence et toucher plus esthétiques. On a lissé et colorié le béton. Moins rugueux et moins hideux, le matériau est désormais devenu une matière de décoration. On en a fait autant avec l'acier, le verre, le fer, la peinture, le plâtre. L'architecte n'a plus qu'à faire ses compositions en faisant jouer la lumière. Pont, immeuble, square, place publique… tout projet architectural devient une création artistique. Quant aux tissus urbains qui datent de l'époque du tout béton, avec sa grisaille et sa laideur, des œuvres d'art y sont intégrées pour apporter la touche de gaité. Le monumentalisme est né dans la ville qui devient un atelier géant à ciel ouvert pour des artistes d'un nouveau genre. Les œuvres de sculpteurs décorent halls, parcs, places et trottoirs. Les peintres s'occuperont, eux, de ces larges façades monochromes. Et pour les vieux et/ou pauvres quartiers, un nouvel art est né. Ses adeptes n'ont ni palette ni chevalet. Ils n'utilisent pas les tubes et les pinceaux ou les couteaux. Ils font de la «bombe», leur atelier c'est «le terrain» et leur support c'est les murs et palissades que même la peinture a déserté. C'est les tagueurs et les graffeurs. Ils ne sont pas toujours bien vus par les autorités et leurs interventions sont souvent illégales. Ce sont des artistes de la rue et ils parlent son langage, comme les DJ, les break-dancers et les rappeurs. Ils font partie de la culture hip-hop. Les lettres des tags deviennent un art urbain qui s'enrichit de personnages et de formes abstraites des graffs. Quand ils ne bombent pas en solo, les tagueurs et les graffeurs sont organisés en groupes, crews, avec leurs règles, leurs codes de gestion des supports, leurs marques et leurs styles. Ils ont aussi leurs journaux et leurs sites Internet tel FatCap qui est une plateforme web dédiée au graffiti et au street-art. Sur ce site, vous trouverez des photos, des vidéos, et des articles, classés par artistes, et mis à jour quotidiennement. Tout le contenu du site est géo-localisé, afin que le visiteur puisse découvrir rapidement les principales tendances artistiques à travers le monde. Et on trouve des véritables chefs-d'œuvre décorant des murs dans des villes aussi bien américaines qu'européennes et asiatiques. Car, comme pour la musique et la danse, tags et graffs ont fini par être intégrer dans le street-art. Ils ont une place dans des galeries d'art contemporain, des musées et les carnets de commandes de responsables. Désormais, les tagueurs et graffeurs sont invités par des institutions et des officiels à décorer des murs qui sont trop grands et trop nus. Les crews signent aujourd'hui des œuvres partout à travers le monde, sauf en Algérie dont les villes ne manquent pourtant pas de murs lépreux qui ne demandent qu'à servir de supports pour ces artistes, au lieu d'être utilisés comme pissotières ou dépotoirs. Il en est de même pour les places publiques, les halls de nombreuses administrations et les squares où des sculptures monumentales seraient les bienvenues. Qu'est-ce qui empêche nos walis et nos maires de faire rentrer l'art et le beau dans les murs dans nos cités ? Rien. Ils n'y songent tout simplement pas ni personne parmi leurs collaborateurs. La ville est encore perçue sous l'angle étroit de la fonctionnalité, habitat et travail, qui sont déjà mal pris en charge. L'art de la rue risque d'attendre longtemps avant de trouver sa place dans la rue algérienne, sauf s'il y descend, comme l'avait fait avant lui une certaine révolution… H. G.