«Wahran est près du bord de la mer, elle fait face à Almeria sur la côte d'Andalousie, dont elle est séparée par deux journées de navigation. Marsa El Kebir est un port qui n'a pas son pareil sur tous les rivages de la Berberie. Les navires d'Andalousie y viennent souvent.» Mohamed Al Idrissi Mardi 9 août 2016. Boulevard Zabana. Une bâtisse monumentale de style néoclassique domine les lieux. Ouvert en 1930, à l'occasion du centenaire de l'occupation française, le Musée national Ah-med Zabana compte une collection des plus riches dans ses différentes parties. Dans le sous-sol, qui regroupe la partie préhistorique, l'on découvre que la région d'Oran a été habitée à une époque qui remonte à 40000 ans av. J.-C.. Les preuves sont données par les ossements et objets trouvés à Rachgoun, dans la grotte de Saint Roch, près de Aïn El Turk, celle du Polygone, au Murdjadjo, en plus des gravures rupestres du sud oranais. Mais l'espace qui attire plus de visiteurs demeure celui consacré à l'histoire naturelle, avec une collection impressionnante d'animaux embaumés, ramenés de différents coins de la planète, mais aussi des roches, des métaux, des fossiles. C'est ce qui fait appeler le musée Zabana «Dar Laâdjab» (La maison des merveilles). A l'étage réservé aux beaux-arts, nous sommes agréablement surpris par la belle exposition d'une cinquantaine de tableaux et une douzaine de sculptures. On ne passe pas sans admirer la magnifique «Tapisserie des Gobelins», illustrant Moïse frappant le rocher de sa baguette. Le musée compte des perles des peintres orientalistes et de l'école du romantisme des 18e et 19e siècles, à l'image des toiles «En route pour le marché», d'Eugène Girardet, «Paysage de Laghouat», d'Eugène Fromentin, «Zaouia de Sidi Bouaziz», de Marius de Buzon, «Femmes au puits de Sidi Boumediène», de Gabriel Deneux, «Paysage à Boussaâda», d'Henry Valensi. On s'arrête aussi pour contempler les œuvres d'Etienne Dinet (Hommes en observation), Carl Van Loo (La sultane), André Surède (Femmes au repos), mais aussi des peintres algériens de renommée, comme M'hamed Issiakhem (Les réfugiés), Abdelkader Guermaz (Regard sur Paris), Mohamed Khadda (la terre s'offre aux semailles), Baya (Détente) et Azouaou Mammeri (l'Atlas algérien). Les visiteurs du musée pourront apprécier le volet ethnographique avec habits, poteries, instruments de musique et différents objets du Maghreb, mais aussi de l'Afrique, de l'Asie et de l'Océanie. Un espace qui se prolonge vers une chambre réservée à l'histoire du vieil Oran. On ne quittera pas Dar Laâdjeb sans faire un tour par la partie des insectes et animaux marins, dont certains sont conservés depuis plus d'un siècle. Si la matinée de ce mardi a été pour nous une belle promenade culturelle, l'après-midi sera d'une dimension plus cultuelle. Nous avons décidé ainsi de faire un tour au site qui abrite le mausolée de Sidi Abdelkader El Djilani, plus connu sous le nom «Sidi Abdelkader Moul El Maida». La baraka de Sidi Abdelkader Après une traversée de 5 km sur le chemin vertigineux de la forêt des Planteurs, on s'arrête au fort de Santa Cruz, ou Bordj El Djebel, construit par les Espagnols au 16e siècle, et restauré par le Génie militaire français entre 1854 et 1860. Le site, qui offre une vue panoramique insaisissable sur la ville d'Oran, est curieusement fermé. Le gardien du parking nous informe que cela fait plusieurs jours que le fort n'est pas accessible, en raison de prétendus travaux d'entretien. Des centaines de touristes algériens et étrangers y arrivent chaque jour et reviennent bredouilles. Nous continuons notre route vers le plateau de Sidi Abdelkader, le lieu d'une incroyable dévotion à 400 m d'altitude. Le saint-patron des canonniers de la ville durant le siège de Santa Cruz, mort et enterré à Baghdad, est considéré comme le gardien de la montagne du Murdjadjo. Une fois par semaine, en début d'après-midi, le lieu connaît une affluence singulière, comme dans un pèlerinage. Durant les belles journées du mois d'août, des dizaines de voitures, immatriculées dans plusieurs wilayas, et même en France, stationnent sur un vaste parking. Une foule hétéroclite y débarque. Des gens de tous les âges et de diverses conditions sociales. Certains sont venus même à pied. La tradition veut qu'une waâda soit organisée chaque semaine. Des hommes et des femmes, qui viennent faire un vœu, préparent du couscous pour les nombreux convives. On ne rate pas l'occasion pour s'en régaler. La rencontre est à caractère festif et folklorique, où l'on n'aime pas la présence des caméras. Tout se passe devant un mausolée de forme cubique peint en vert. Selon la légende, le mausolée aurait été élevé par Sidi Boumediène, le saint-patron de Tlemcen, fervent disciple d'Abdelkader El Jilani, en hommage à son maîitre. Des escaliers descendant vers le bas mènent à la grotte où, selon la légende, Sidi Boumediène passerait ses journées dans la méditation. Une grotte avec une ouverture murée, laissant une porte pour l'entrée. On y accède par un couloir d'une dizaine de mètres, éclairé par la lumière du jour, puis c'est l'obscurité totale. Trois marches creusées dans le sol débouchent à droite sur une première chambre d'une hauteur moyenne. On s'engouffre ensuite dans une seconde chambre plus spacieuse par laquelle on remonte sept marches pour retrouver le couloir d'entrée. Dans la caverne, des bougies sont allumées. Une odeur de cire fondue monte aux narines. Une autre grotte située plus au nord est très peu fréquentée à cause de son accès difficile et risqué. On raconte qu'elle aurait été le refuge d'une femme, appelée Lalla El Batoul, qui y a passé plusieurs années. Depuis quelques mois, l'espace a été complètement défiguré par la construction d'une mosquée au style hideux sur tout l'espace situé derrière le mausolée, servant à accueillir une grande réception organisée annuellement par des associations oranaises. L'esplanade où les visiteurs se rassemblaient pour les rituels accomplis en hommage à Sidi Abdelkader n'est plus. Désormais, les waâda se font actuellement sur le chantier de la mosquée, où les gens mangent leur couscous au milieu des débris de briques, de madriers et de fer à béton. La décision de construire cette mosquée à la forme hexagonale, qui peut contenir à peine une centaine de fidèles, avec un minaret d'une architecture banale et une baraque dont on ne sait à quoi elle va servir est ironiquement commentée par les Oranais. Certains s'interrogent s'il y aura vraiment des gens qui vont aller prier à 400 m d'altitude, alors que le lieu ne s'y prête guère. Un véritable gâchis. Rush sur Mdina J'dida Mercredi 10 août 2016. On ne peut visiter Oran sans faire une halte à Mdina Jdida. L'ancien village nègre, créé en 1845 par le général Lamoricière, pour fixer et contrôler la population arabe, est un des quartiers les plus animés de la ville durant toute l'année. En été, les préparatifs des mariages marquent les sorties de femmes qui se baladent comme des abeilles entre les bazars, les magasins de tissus, de prêt-à-porter, les bijouteries et les étals de friperie et de produits chinois qui inondent nos marchés. Il est difficile de se frayer un chemin au milieu de cette ruche de femmes. A Mdina Jdida, dans une ambiance riche en couleurs et en senteurs, se côtoient les épiciers, les vendeurs de fruits et légumes et les réparateurs de cocottes et de réchauds. Accessible à partir des rues Maâta et Djebbour Maâmar, la place de Tahtaha, actuel boulevard de l'Indépendance, est la destination la plus emblématique. Dans les vieilles cartes postales, Tahtaha apparaît comme un lieu de commerce et de rencontres. Elle est tracée comme un long boulevard tranquille traversé par deux voies bordées de constructions, avec une promenade piétonne au centre. Sur cette esplanade, qui a connu des desseins divers depuis l'époque coloniale à nos jours, a été érigée une stèle à la mémoire des martyrs. Une stèle qui assure aussi de l'ombre aux désœuvrés de différents âges, qui passent leur journée à observer les passants. Belle ambiance à la Bastille Nous revenons par la rue Djebbour Maâmar, pour descendre à la rue Zighoud Youcef, avant de rejoindre le boulevard Emir Abdelkader. A quelques mètres de la station de tramway, on s'engage dans la rue des Aurès. Une longue artère entre les rues Khemisti et Larbi Ben M'hidi, s'étendant jusqu'à la rue Mohamed Bensalem, près du siège du consulat d'Espagne. Avec ses magasins, ses boutiques et ses hôtels, la rue des Aures abrite aussi le marché le plus populaire de la ville d'Oran : la Bastille. Un lieu qu'il faut absolument visiter pour s'imprégner de cette ambiance qui le marque, notamment durant les après-midis de l'été au milieu du brouhaha quotidien et des cris des commerçants mêlés aux klaxons des voitures. La Bastille est la destination des gens simples qui y viennent faire leurs emplettes, auprès des dizaines de vendeurs ambulants proposant sur des étals de fortune des marchandises à des prix très raisonnables. A la Bastille, on rencontre les vendeurs de figues de Barbarie, épluchant le fruit juteux à l'aide de gants chirurgicaux. On y trouve aussi des escargots à 200 DA le kilo. Le visiteur est attiré par ces boutiques où l'on peut encore manger un morceau de galette avec un verre de petit lait. A la Bastille, on peut trouver du pain traditionnel genre matlouh, chaud, qui sort du four à 20h. Ici, on peut déguster le plus célèbre sandwich à Oran : la calentika, déformé pour devenir karantika, puis garantita. Ce plat très apprécié, dont l'histoire remonte au 16e siècle où certaines sources historiques rapportent que lors du siège du Fort de Santa Cruz par les armées algéro-turques, les Espagnols étaient à court de provisions. Devant cette situation, le cuisinier espagnol était contraint de se débrouiller pour préparer à manger aux soldats. Avec ce qu'il avait comme ingrédients, il improvisa une préparation à base de farine de pois chiches, d'huile d'olive et d'eau, mise au four. Cela a donné un plat qui ressemble à du gratin, simple, mais nutritif et surtout consistant. Interrogé par les soldats espagnols sur le nom de ce plat, le cuisinier leur dira : calienté ou calentito, qui veut dire chaud, d'où le nom de ce plat.