Le prix du kilo de pomme de terre a atteint, hier, 80 DA au marché du centre-ville de Constantine après avoir frôlé les 90 DA au deuxième jour de l'Aïd. Ceci dit, l'essentiel des marchés des fruits et légumes de la ville sont restés fermés aux Constantinois dubitatifs, qui ne s'expliquent pas encore la rareté, voire la quasi absence de la marchandise des étals. Le fait est inédit et ne manque pas de provoquer l'affolement chez les pères de famille soumis au diktat d'une offre inaccessible. L'impuissance de l'Etat à assumer sa mission de régulation n'est pas la seule explication dans ce qui se passe à Constantine. Derrière ce frémissement du marché se cache, en effet, une grave crise au niveau du marché de gros des fruits et légumes, Magrofel, situé au lieudit Polygone. La grève des grossistes traduisant un ras-le-bol qui dure depuis des années, a été évitée de justesse, samedi dernier après l'intervention de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA). Mais l'appel à la grève qui circulait il y a quelques jours déjà avait éloigné la majorité des marchands qui sont allés décharger leurs camions ailleurs. Ce qui a provoqué une baisse sensible de l'activité et une offre réduite à sa plus simple expression. La rencontre provoquée au siège de l'UGCAA visait à contenir la colère des commerçants et les réconcilier avec le directeur de Magrofel. Les contestataires revendiquent, depuis des années, la sécurisation des lieux et l'organisation du marché qui semble patauger dans une anarchie indescriptible. Des bandes armées de couteaux et d'épées sévissent durant la nuit et sont arrivées à mettre le marché sous leur coupe au profit d'un commerce illégal qu'ils organisent au détriment des commerçants adhérents. Selon les représentants de ces commerçants, « ces jeunes viennent des bidonvilles mitoyens du marché et agissent de mèche avec les gardiens de Magrofel. » Ce qui explique, selon eux, l'ouverture des portes du marché H24 et sa transformation durant les heures indues en un lieu de commerce du sexe et de l'alcool. Jusque-là les commerçants subissaient dans le silence cette dictature. Mais depuis le vol, il y a deux semaines, d'un camion appartenant à un commerçant syndiqué dans l'enceinte même du marché, le vase a débordé pour pousser les commerçants à se révolter contre cette situation. Les accusations sont très graves mais contre toute attente, Bendjamaâ Saïd, SG de l'UGCAA, est resté de marbre, qualifiant l'appel à la grève de « simples rumeurs distillées par des personnes qui ne pensent qu'à leurs intérêts. » Il a mis également en doute l'histoire du vol du camion allant jusqu'à accuser les grossistes de fomenter toutes ces histoires et chercher à plonger le marché dans le chaos. Ces derniers ont tout de suite réagi et dans le bureau même du SG, ce qui a débouché sur une séance de déballage et un face-à-face plutôt musclé qui s'est terminé par la suspension des représentants des grossistes des rangs de l'union. Un épilogue qui risque de prolonger la crise dans le marché de gros et engendrer de graves répercussions sur celui du détail grevant davantage la bourse du citoyen.