Il y a un temps pour tout, dit-on souvent, et c'est cette devise que les Colombiens ont décidé d'appliquer. Et même pleinement puisqu'il s'agit de paix, ou encore de la fin d'une guerre. Une longue guerre qui a profondément marqué ce pays d'Amérique latine, elle-même territoire de nombreux conflits. Cette partie du monde retrouve la paix et le débat d'idées, après des décennies de massacres, de dictature et de guerres civiles. Cinquante années de guerre prennent ainsi fin, sans vaincu, un seul vainqueur, mais d'incroyables dégâts. Un pays fracturé et des millions de victimes. Il s'agit de la Colombie qui a vécu lundi une journée historique avec la signature de l'accord de paix conclu par les autorités gouvernementales et la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) pour mettre fin à plus d'un demi-siècle d'une guerre fratricide. Et il n'est pas simple d'en parler. La guérilla des Farc, l'un des acteurs du conflit en question, est issue d'une insurrection paysanne en 1964. C'est la plus ancienne du sous-continent, impliquant au fil des décennies guérillas d'extrême gauche, paramilitaires d'extrême droite et armée, et officiellement fait quelque 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,9 millions de déplacés. Et parmi ces mouvements, se trouve l'ELN (Armée de libération nationale) qui a annoncé dimanche une trêve unilatérale le temps du référendum du 2 octobre, lors duquel les électeurs doivent approuver l'accord de paix pour qu'il entre en vigueur. Et avec l'ELN, rien n'est encore conclu, tout juste, espère-t-on, un accord, une «continuation du processus» engagé avec les FARC, et considéré par un de ses garants comme un bon début pour «en finir avec le conflit et que les FARC puissent se convertir en un mouvement politique». La même source rappellera que «cela a pris quatre ans pour parvenir à cet accord très complet (...) en matière de réforme agraire, de drogues, de participation politique, de justice transitionnelle (...), des sujets difficiles pendant les négociations». Le quatrième processus de paix a été donc concluant. La première tentative de dialogue de paix entre le gouvernement et les Farc a débuté le 28 mars 1984 sous la présidence de Belisario Betancur, à la faveur d'une trêve bilatérale. Ces négociations avorteront en 1987, comme les suivantes entamées en 1991 sous César Gaviria et en 1999 sous Andrés Pastrana. L'accord, conclu le 24 août à La Havane, a été signé par le président Juan Manuel Santos et le commandant en chef des Farc, Rodrigo Londoño, plus connu sous ses noms de guerre de Timoleon Jiménez ou Timochenko, en présence d'environ 2500 personnes dont 15 chefs d'Etat latino-américains, notamment le leader Cubain Raul Castro, dont le pays a accueilli pendant presque quatre ans les pourparlers de paix, menés aussi sous les auspices de la Norvège, du Venezuela et du Chili. Humberto de la Calle, qui a mené pendant près de quatre ans les négociations avec la guérilla des Farc, estime que l'accord de paix va enfin permettre aux Colombiens de ne plus «s'entretuer pour des idées», soulignant que le plus important est que la guerre se termine, que les Colombiens «cessent d'échanger des balles et aillent prendre langues au Congrès». Quant au chef de l'Etat colombien, longtemps chargé de conduire la guerre aux Farc, il doit faire face aux nombreuses critiques et autres accusations d'avoir «trahi la patrie». L'on convient cependant que le plus dur est encore à faire. L'accord de paix, complexe et technique, encadre le désarmement des quelque 7000 combattants de la guérilla et la transformation du mouvement en parti politique, processus qui seront engagés seulement en cas de succès du prochain référendum. Les temps ont changé, et l'idée de putsch largement répandue et celle de dictature ont en effet disparu. Ce qui ne veut pas dire que les causes à l'origine des conflits ont disparu, loin de là. La demande de justice n'a en effet jamais été aussi forte.