Ils sont en âge d'être scolarisés. Mais les bancs de l'école leur sont presque interdits. La cause : ils ont des besoins spécifiques... Il est 9h30. C'est la récréation. La cour de l'école primaire Mohamed Mada, à Sidi M'hamed, se remplit rapidement. Filles et garçons jouent ensemble. Ils se courent après, partagent leurs goûters ou discutent tranquillement dans un coin. Si d'apparence tout a l'air normal, l'effectif de cette école n'est pas comme celui de toutes les autres. L'école Mohamed Mada comprend trois classes intégrées destinées exclusivement aux élèves aux besoins spécifiques. «Nous sommes sur le point d'ouvrir une quatrième classe», confie Leila Semaoune Tagzout, la directrice. Cette dame se rappelle : «La première classe intégrée a été ouverte en 2009. Cela s'est fait très simplement : après avoir regroupé un certain nombre d'enfants, la Direction d'action sociale (Das) a demandé l'autorisation à l'académie de les intégrer dans les écoles. L'académie a recherché les établissements disposant de salles vides, puis a donné son accord.» Ces élèves sont par la suite supervisés par un staff spécialisé, composé essentiellement de professeurs, d'éducateurs, de surveillants, de psycologues et d'orthophonistes. Intégration Leila Semaoune Tagzout explique : «Ce staff dépend du ministère de la Solidarité. Notre but à présent est que les professeurs qui encadrent ces classes soient rattachés au ministère de l'Education nationale.» Autre particularité de l'école Mohamed Mada, ces enfants sont traités comme tous les autres. «On ne leur fait pas ressentir leur handicap. Pour nous, ils font partie de l'effectif de l'école et ont le même traitement que les autres élèves. Nous faisons cela afin de faciliter leur intégration dans des classes dites ordinaires. On les fait même participer aux activités et festivités de l'établissement», confie la directrice. Et de poursuivre : «L'intégration totale de ces élèves ne peut se faire que s'ils sont traités comme tous les autres. Bien sûr, notre but n'est pas de demander à ces enfants d'avoir le même niveau que les autres, mais qu'ils puissent apprendre à leur rythme avec des objectifs fixes, chacun selon son cas.» A cet effet, Leila Semaoune Tagzout nous apprend que les programmes dispensés à ces élèves sont les mêmes que pour les classes ordinaires. Elle explique : «Les programmes sont juste adaptés en fonction de leurs capacités et leur condition spécifique. Le programme est basé sur les matières essentielles. Ainsi, l'enfant aura des cours qui lui permettront de développer ses capacités d'expression et d'écriture. A côté de cela, il aura aussi droit à des cours de grammaire et de calcul. Ce programme est délivré dans le cadre d'un emploi du temps régulier qui favorise l'acquisition et l'apprentissage.» Handicap Mieux encore, l'école Mohamed Mada œuvre afin que ces enfants se sentent comme les autres. «Dans notre établissement, il nous arrive de prendre un élève de la classe intégrée et le placer dans une classe normale. Il faut juste que l'éducatrice l'accompagne afin qu'il ne soit pas trop déstabilisé. Une fois en classe, il est traité comme tous les autres. Il suit le cours dispensé par l'encadreur et s'il a un problème lié à son handicap, l'éducatrice intervient», soutient Mme Semaoune Tagzout. Si dans cette école tout se déroule pour le mieux pour ces enfants, ce n'est pas le cas partout. De nombreux enfants en âge d'être scolarisés ne vont pas à l'école, car il n'y a pas suffisamment de classes. Mohamed, Adem, Mehdi sont privés d'école. Mohamed, 7 ans, est atteint d'une maladie orpheline, il ne peut pas accéder à l'école. «On s'estime heureux d'avoir trouvé jusqu'ici un jardin d'enfants doté d'une catégorie ‘‘petite section'' qui a accepté de l'inscrire, car les autres crèches, même privées, ont refusé de l'accueillir», raconte sa maman. Ayant grandi, Mohamed n'était plus accepté à la crèche. Troubles N'ayant trouvé aucune école pour pouvoir étudier, ses parents ont dû l'inscrire à la mosquée. Là, il a appris quelques notions de calcul, de nombreuses sourate, mais il a surtout appris ce qu'était l'intégration au sein d'une classe. C'était justement le but de ses parents. «Il doit s'intégrer à la société comme tous les enfants de son âge. On veut seulement que notre fils soit considéré comme tous les autres de son âge et ne soit pas stigmatisé, parce qu'il est malade.» Aujourd'hui, Mohamed est inscrit dans une école privée. A 15 000 DA par mois, il suit sa scolarité dans le privé, car le secteur public ne l'a pas accepté. Mais ce n'est pas fini, il terminera sa scolarité à 16 ans seulement. «Cette école va le prendre en charge jusqu'à ses 16 ans. Malheureusement, dans notre société, ces enfants sont mis à l'écart. Ils n'ont pas leur place», se désole sa maman. Pour Leila Semaoune Tagzout, cela n'est pas normal. Elle confie : «Tout enfant âgé de 6 ans doit être scolarisé dans une école normale. Si l'école détecte un problème quelque part, on le signale. Et c'est à ce moment qu'une commission intervient pour voir comment on pourrait intégrer l'enfant. Cependant, s'il ne souffre que de quelques troubles, cela ne devrait pas poser problème étant donné qu'on peut gérer.» Ils sont nombreux dans cette situation, même si les statistiques officielles ne sont toujours pas connues. A la différence, pour la plupart les parents n'ont pas les moyens de financer une école privée afin que leurs enfants aient une scolarité correcte. Nadia, maman de 3 enfants, raconte le calvaire de son fils Rassim. «Il a 8 ans. Il n'est pas scolarisé, car c'est un enfant qui a des besoins spécifiques. On n'a pas pu l'inscrire dans la classe intégrée de l'école du quartier, vu que c'est une classe de 4e année. Il faut savoir que dans ces classes, l'éducateur doit suivre la même promotion tout au long du cycle primaire. Moyens En d'autres termes, si votre enfant a manqué le démarrage de la classe en première année, il devra attendre les cinq ans du cycle primaire afin de pouvoir intégrer l'école. C'est ce qui s'est passé pour mon fils.» N'ayant pas les moyens de l'inscrire dans une école privée, Nadia lui donne elle-même des cours à la maison. «Pour l'instant, je peux le suivre mais je ne peux pas lui assurer une scolarité correcte comme l'école peut le faire», se désole-t-elle. Si l'académie d'Alger-Centre a ouvert plus d'une cinquantaine de classes jusqu'ici, cela reste insuffisant. En effet, ces classes n'existant pas partout dans l'Algérois, de nombreux enfants sont alors condamnés à rester à la maison. «C'est aux académies est et ouest d'activer afin d'ouvrir des classes dédiées à ces enfants. L'académie du Centre ne peut pas assurer la scolarité de tous ces enfants. Elle est surchargée et c'est aux autres académies de suivre», explique Leila Semaoune Tagzout. Autre raison majeure derrière ce manque de classes : la mauvaise coopération de la DAS avec le ministère de l'Education. A ce propos, une maman explique : «La DAS collabore très mal dans ce travail., Il y a un manque de coordination et recense peu ces enfants en difficulté. C'est à eux de faire le recensement afin que le ministère connaisse le nombre exact et trouve des classes. Tant qu'ils ne font pas leur travail correctement, ces enfants resteront non scolarisés».