Bien que Fouad Bouatba, 32 ans, soit diplômé de l'Ecole des beaux-arts de Annaba, sa ville natale, son savoir-faire dépasse de loin le cursus qu'on lui a fait apprendre. Lorsqu'il trempe ses doigts dans les méandres de son existence, il fait ressortir des formes et des créatures, devant lesquelles le spectateur devient perplexe, en les faisant éclater dans plusieurs sens. Comme tous les jeunes Annabis, Fouad n'a pas cessé de se chercher un itinéraire, un destin pouvant l'amener vers ses rêves lointains. La chimère de l'émigration clandestine l'emporta, un jour en 2007, au-delà de ses frontières, lui faisant espérer plus de considération sous d'autres cieux. Mais, l'aventure de «brûler les frontières» n'aboutit pas. Un mal qui a fait du bien, puisque cette expédition ratée a éjecté Fouad depuis le tremplin de l'utopie vers le chemin de la réalité. En effet, de 2007 à 2011, il consacra son temps à sa formation au niveau de l'Ecole des beaux-arts de Annaba, où il s'était inscrit immédiatement. «J'adore dessiner la femme algérienne avec le Hayek» Marqué néanmoins par l'échec de sa tentative de harraga, Fouad transforma ce ratage en exploit. Il a su immiscer son expérience personnelle à son art pour créer une performance. Ainsi, le phénomène de harraga a fait pour la première fois une incursion dans le milieu des beaux-arts et est devenu l'objet de sa soutenance. «Devant l'incompréhension et l'étonnement des uns et l'encouragement des autres, j'ai pu décrocher mon diplôme avec brio», se félicite le jeune Bouatba. A partir de là, le créateur attitré excellera dans son domaine. Bien qu'il ne se considère pas comme un calligraphe moderne à part entière, ses œuvres le démentent catégoriquement. Sur la toile blanche, il manie le pinceau miraculeusement, tel qu'il fait naître des lettres arabes loin de tout conformisme. Pour apprécier ses œuvres à leur juste valeur, il faut voir «Le cercle vicieux» au milieu duquel les lettres arabes trouvent toute leur splendeur frappée d'une mystique fascination. «On a l'impression de regarder un grand talisman dont les mots son impénétrables. Loin du style Koufi et Naskhi, j'ai créé mon propre style, poussant les formes loin des frontières. Je n'aime pas les frontières», confie l'artiste-peintre. Fouad n'aime pas également s'exprimer en couleurs et préfère apposer, sur ses œuvres, son empreinte en noir et blanc. Pour lui, ces deux couleurs sont originelles, vraies et plus sincères dans l'expression sous toutes ses formes, notamment celle de la femme algérienne. En effet, cette dernière occupe une place prépondérante dans ses créations. «J'adore dessiner la femme algérienne, notamment avec la mlaya ou le hayek. Cela dénote sa pureté particulière qu'elle a toujours adoptée à travers les époques. Une nostalgie féminine qui, malheureusement, tend vers la disparition. D'où mon action de garder cette forme en vie», explique par ailleurs cet amoureux de la femme algérienne. Cet artiste à plusieurs facettes a fasciné plus d'un lors de ses rares expositions. Il en est ainsi à l'ambassade de Hollande, à l'université de Bab Ezzouar (Alger) et même à la galerie des arts Kef Noun de Batna. Bouatba Nabil est vraisemblablement doté de mille et un dons qu'il a abandonnés à l'art algérien sans rien recevoir de lui en retour, même pas un poste de travail.