Dès le 15 du mois dernier, ils étaient sept à prendre possession des lieux, serrés comme des «S'Artdines» dans une boîte, mais une boîte artistique ou spontanéité rime avec générosité, le maître des lieux, Walid Aïdoud, designer, plasticien et «accueilleur» officiel de jeunes artistes et autres trublions des arts qui sans moyens s'en vont à la conquête du monde, nous les avons rencontrés. Sur les hauteurs d'Alger, Walid Aïdoud designer agitateur d'idées profite de son lieu d'habitation pour pousser les murs et offrir un espace de visibilité à de nombreux artistes qui ne passent pas par le bénéfice des budgets faramineux et affolantes subventions inutiles sans la portée adéquate. Chez Walid la bonne franquette et la pastèque conviviale partagée par tous après le café offert pèse son poids d'argent. Tout le monde se raconte autour d'une table improvisée et parle de son art ; Il y'a Mehdi Djellil, sorte d'angelot rebelle au travail plastique de haute facture, il y a des jeunes gars de Annaba, ils sont sept qui se racontent aussi, d'autre se mirent dans leur laptop, facebook et temps réel oblige, l'autre, enfoncé dans son fauteuil prend des photos avec son Iphone, et les envoi au collègue d'en face, assis lui...par terre. Et puis, il y'a ces trois pièces, envahies de peintures, de dessins, installations et sortes de caricatures étranges qui abandonnent l'idée de dessin de presse pour rejoindre juste l'art pur. La première chambre est plus calme après avoir été envahi par les artistes et hommes de culture venus nombreux au vernissage réalisé le 14 septembre. Aujourd'hui c'est plus calme, la chambre est envahie de soleil ; dehors Alger est encore blanche sous le ciel azur. Juste derrière moi, une immense toile évoquant une célèbre boisson au cola, le graphiste Hachem Dhea Eddine nous la met comme ça sous le nez dans une position situationniste qui prend une direction différente sur le chemin tracé par la délicate calligraphie du logo, sa fraîcheur et aussi le code couleur rappelant bien sûr Hamra Annaba. Hachem, enseignant de dessin sur l'ancienne Bône se laisse happer par l'art contemporain sous toutes ses formes. Et c'est tant mieux. Juste en face de lui, un gars un peu fluet, engoncé dans ses «Converses jaune taxi» laisse aux regards une expression bien particulière, Bilel Ayad nous présente cinq photos tirées sur toile, qualité approximative avec dominante violette et tout l'assortiment d'imperfections, mais le sujet est génialement traité, un personnage somme toute décontracté, la tête dans un cube en carton, l'aspect énigmatique reste puissant, l'insolite est au rendez-vous et le questionnement appuyé avec le paradoxe d'une mise en situation d'un personnage à l'attitude gestuelle normalisée dans un contexte quasi naturel. Mais dont le résultat final laisse le public réfléchir sur l'incongruité de cette présentation qui devait à l'origine se faire en vidéo-Art, ce qui n'empêche d'avoir un travail très abouti sous l'apparente timidité du plasticien Bilal à la vision pourtant bien affirmée sur sa démarche résolument contemporaine et engagée. L'engagement parlons en ! il est une des valeurs radicales partagée par ces sept plasticiens raconteurs de l'apocalypse vue par les moins de 30 ans ; algériens, artistes en devenir. Ils sont forts, sensibles, et peu avares dans les expériences les plus inattendues. Dans cet ordre d'idée, Fouad Bouatba se ramène avec une porte de taxi authentique sous le bras, l'action commence déjà depuis le début du voyage. Bouatba met un sérum au dessus, il force l'évocation de son installation de porte de taxi qui est déjà un concept complet dont Fouad a fait un art complet avec son site «Taxi Art» dans des virées urbaines «Il est en plus d'être artiste un chauffeur de taxi » qui le surprennent de jour en jour dans un regard qu'il porte sur l'urbanité, la route, les phénomènes urbains, les gens. Mais Bouatba n'hésite devant aucune forme d'expressions, il fait du dessin, de la miniature, de la figuration libre et ne dédaigne pas l'installation dans ses travaux. Cet ancien harraga sait de quoi il parle, la mort il l'a vue de près, et les pompiers sont des demi-dieux pour lui, ceux qui ont essayés la traversée et survécu sauront pourquoi...La soutenance de son mémoire à l'Ecole des Beaux-Arts de Annaba reste historique, il l'a présenté sur le thème des harraga, en étant mouillé et avec une installation poignante, le reste est visible sur son site. Dans le couloir vers les autres pièces deux tableaux font face à une photo de Atef Berredjem le trublion en chef, plasticien agité aux mille est une œuvres toutes aussi loufoques les unes que les autres et gage d'un avenir certain en art contemporain algérien. Mounir Gouri, lui, fait dans la peinture et la photo il nous montre un dyptique noir, peint entièrement avec quelques portraits répétitifs dont le message apparaît de fait sur la répétition effrénée qui est une marque de fabrique dans laquelle on le retrouvera sur les dessins à l'aquarelle et au Rapido qui empruntent à la caricature quelques codes graphiques mais qui se dirigent vers des formats modestes mais à la puissance dessinée fulgurante. Ce rasta zen laisse une excellente impression d'ensemble dans ses travaux à la sensibilité édifiante. Le timide et l'un de plus classiques du groupe reste Lamine Sakri dans un ensemble peint et sculpté avec un assemblage hétéroclite de matériaux sur toile, cuivres repoussés et papier mâché peint dans une allégorie au silence et aux non-dits de la société. Sakri reste moderne dans son expression, outre le fait qu'il fait des actions avec les autres ne tardera pas à exploser au visage de ses pairs car on sent un volcan qui germe sous des allants bien timides pour l'instant. Ahmed Soukehal est naturellement intégré dans ce groupe d'enfants terribles ; il se familiarise au tag et aux expressions urbaines les plus farouches, ce jeune pinceau fréquentera longtemps Mounir Gouri pour des aventures nombreuses sur les murs et les rues interlopes de Annaba, pour le dit Gouri intègrera les Beaux-Arts du crû et «contaminera » son ami par tout ce qu'il apprend, c'est alors que notre jeune ami saura que les taggueurs sont aussi des artistes comme les autres, que l'installation est un art à part entière et que le dessin et la peintures sont des univers d'une richesse inouïe. Fort de ces expériences, il intègre ce groupe et nous propose pour cet évènement un drone en papier avec deux missiles sous chaque aile. Cet Origami étrange laisse une sorte d'épée de Damoclès planer sur nos têtes par une mystérieuse atmosphère codée sur le rouge, le noir et le blanc qui ne sont pas loin d'incarner la violence US dans ses «visites» guidées comme des jeux vidéos, en Afghanistan, Irak, Syrie et autres pays. Cet amalgame entre papier et matériaux incarnant le fer et le sang posent pour Soukehal un arsenal de questionnements autours des notions de guerre propre et de familiarisation avec la mort et ses instruments facilités par les jeux vidéos et la conceptualisation dans une nouvelle approche qui excuse tous les excès pour les grands de ce monde. Ce sont donc sept artistes invités par Walid Aïdoud et Atef Berredjem qui reste un peu le dénominateur commun de cette bande de plasticiens adeptes de nouvelles formes d'expression qui nous livrent une très bonne exposition qui sort des sentiers battus des sempiternels discours grandiloquents. L'énergie est là, la vérité aussi, la visite est libre, le café probablement offert...que la force et la lumière les accompagne. Exposition : «Jiti L'3Annaba», proposée par Walid Aïdoud avec Atef Berredjem, Bilel Ayad, Fouad Bouatba, Lamine Sakri, Ahmed Soukehal, Hachem Dhea Eddine, Mounir Gouri au BOX24, 139 Boulevard Krim Belkacem. Entrée libre Site à découvrir sur : http://annabaartscene.jimdo.com