Le village d'Ath Ouabane, dans la commune d'Akbil (Aïn El Hammam), vit dans un isolement quasi-total. Situé à plus de 70 km à l'extrême sud-est de Tizi Ouzou, ce hameau qui compte aujourd'hui près de 3000 habitants semble être complètement oublié des pouvoirs publics. La seule route qui mène à Ath Ouabane est dans un état de dégradation avancé sur une dizaine de kilomètres. Elle nécessite, en plus de son revêtement, d'être élargie et sécurisée du bas-côté. Les représentants du comité de village déclarent que durant la saison hivernale, ce chemin devient impraticable. La forte tombée des neiges fait accroître le sentiment d'abandon chez ces citoyens qui tiennent à leur terre comme l'aigle s'accroche à sa montagne. « Nous restons parfois enfermés dans nos maisons pendant plusieurs jours à cause de la neige. Aucun responsable de la commune d'Akbil n'intervient pour débloquer la route », dénoncent nos vis-à-vis. L'enclavement de ce village à plus de 1500 m d'altitude contraint ainsi la population locale à se rabattre excessivement sur le bois pour se chauffer. La forêt de cèdreS se retrouve donc réduite presque à néant. Cette situation est devenue inquiétante d'autant qu'Ath Ouabane est situé au cœur du Parc national du Djurdjura, considéré comme une zone protégée. La réouverture et l'aménagement des deux routes, reliant Ath Ouabane à la commune de Yattafène (daïra d'Ath Yenni), datant de l'époque coloniale, réduirait les distances séparant ce village des grands centres urbains. Les représentants du comité de village affirment avoir interpellé les responsables de l'APC d'Akbil, à maintes reprises. Leurs doléances sont restées lettre morte. Les services concernés de la wilaya de Tizi Ouzou sont également saisis, en vain. Ne comptant plus sur l'intervention des autorités locales pour régler leurs problèmes quotidiens, les villageois ont appris au fil du temps à se prendre en charge du mieux qu'ils peuvent. Adel, 26 ans et étudiant à l'université de Tizi Ouzou, déclare que « ce sont les villageois qui ont construit les logements de fonction pour le médecin et le dentiste du dispensaire ». Ces derniers se mobilisent aussi pour l'équipement de cette structure de santé en médicaments de première nécessité. Pour s'alimenter en eau potable, les villageois ont réalisé leur propre réseau d'AEP à partir d'une source naturelle, située à plus de 2 km en montagne. Le bétonnage des ruelles, l'aménagement des fontaines publiques et l'extension du réseau d'électricité, ont été réalisés grâce à un fonds d'argent de l'Union européenne. La création d'une antenne communale pour la délivrance de certains documents d'état civil se fait toujours attendre. Le transport scolaire est assuré par le privé. Pour arracher les enfants de la déperdition scolaire et les jeunes chômeurs de leur oisiveté, Ath Ouabane s'est doté d'une association culturelle, d'une bibliothèque et de quelques micro-ordinateurs pour l'initiation en informatique. Rencontré à la sortie du village le regard braqué vers le grand Djurdjura, un berger nous fera remarquer avec son sourire que l'espoir est permis dans un pays qui n'arrive toujours pas à sortir du sous-développement.