Le monde du cinéma arabe pleure la perte du grand comédien égyptien Mahmoud Abdelaziz, disparu samedi 12 novembre. Le 38e Festival international du film du Caire, ouvert hier soir à l'Opéra du Caire, lui est dédié. Les organisateurs ont annulé le traditionnel dîner gala en signe de deuil. Dimanche, tous les grands noms du cinéma égyptien étaient réunis à la cité de Cheikh Zayed, en Alexandrie, pour dire adieu à celui que la presse cairote qualifie de «magicien». Mahmoud Abdelaziz n'était pas uniquement Rafaât Al Hadjan, l'espion égyptien qui a cassé les codes secrets d'Israël, et dont l'itinéraire a été raconté dans le célèbre feuilleton télévisé, mais également l'acteur qui s'est distingué dans, entre autres, Al Moughani, aux côtés du légendaire Ahmed Zaki, Al Kif et Al Kitkat. Le Festival du Caire rend un hommage particulier à un autre grand nom du cinéma égyptien disparu en juillet dernier, le réalisateur Mohamed Khan, qui recevra à titre posthume le prix Faten Hamama, pour l'ensemble de son œuvre. Un prix qui sera également remis au cinéaste malien, Cheikh Omar Cissako, au producteur palestinien, Hussein Al Qala, et au comédien égyptien, Yahia Al Fakhrani. Un Faten Hamama d'excellence sera remis au cinéaste allemand Christian Petzold, qui est également président du jury des longs métrages. Christian Petzold a décroché une trentaine de prix, dont le fameux Ours d'argent au Festival de Berlin pour son long métrage Barbara. Jia Zhangke, l'un des réalisateurs chinois les plus connus, sera également honoré. Depuis la fin des années 1990, Jia Zhangke marque l'univers cinématographique de l'empire du Milieu, avec des films aussi étonnants que Plaisirs inconnus, Touch of sin, ou Au-delà des montagnes. L'Egyptien, Ahmed Hilmi, sera le troisième à recevoir le prix Faten Hamama. Ce jeune comédien a été révélé, entre autres, par le film Assal aswad (Miel noir) de Khaled Moura'ai. Majda Wassef, présidente du festival, a indiqué que la Chine est le pays invité d'honneur cette année. «Nous avons sélectionné une quinzaine de films représentatifs du cinéma chinois contemporain. Ce choix fut difficile, car le cinéma en Chine a une histoire qui remonte à 1896. Ce cinéma a traversé plusieurs époques», a-t-elle dit. La direction du festival a chargé le critique français Jean Michel Frodon pour élaborer un ouvrage sur le cinéma chinois et sur son évolution à travers six générations. En 2006 et 2016, cet historien du cinéma a publié deux livres sur le septième art chinois et sur l'univers de Jia Zhangke. Cette année, le festival est mis sous la présidence d'honneur du comédien Mahmoud Homeida. Il succède au défunt Omar Al Sharif. Outre Christian Petzold, le jury longs métrages est composé, entre autres, de la comédienne jordanienne, Saba Mbarek, du réalisateur malien, Cheikh Omar Cissako, de la monteuse et productrice américaine, Mary Sweeney, de la réalisatrice chinoise, Li Yu, et du cinéaste égyptien, Hany Al Khalifa. Youssef Charif Razk Allah, directeur artistique du festival, a précisé que la composante du jury est la preuve du sérieux d'une manifestation cinématographique. Il a également annoncé qu'un livre du critique Issam Zakaria sera édité à l'occasion du festival portant le titre Shakespeare et le cinéma, pour commémorer les 400 ans de la disparition du dramaturge anglais. Youssef Charif Razk Allah a parlé des principales sections du Festival du Caire, à savoir, Le festival des festivals (qui célèbre les films primés dans le monde), La semaine de la critique, Horizons du cinéma arabe et Le cinéma de demain, consacré aux jeunes cinéastes. Le film d'ouverture du festival a été Yaoum Lisitat (Une journée pour les femmes), de Kamla Abou Dhikra. C'est l'histoire de femmes invitées à passer une journée dans une piscine dans un quartier populaire cairote. Le festival s'intéresse cette année aussi aux législations relatives au cinéma dans les pays arabes et dans le monde à travers un colloque. L'Egypte doit, selon Majda Wassef, réformer les textes qui régissent le secteur du cinéma pour s'adapter au nouvel univers tant économique, technique qu'artistique. La première loi sur le cinéma en Egypte remonte à 1940 ! Côté compétition officielle, l'Algérie sera en course avec le dernier film de Karim Traidia, Chroniques de mon village. Une quinzaine de longs métrages ont été sélectionnés cette année pour la compétition. Il s'agit, entre autres, de The polar boy, de Anu Aun (Estonie), Anna's life, de Nino Basilia (Géorgie), Le train de sel et de sucre de Licinio Azevedo (Portugal, Mozambique, Brésil), Chiens, de Bogdan Miriça (Roumanie, Bulgarie), Voir du pays, de Delphine et Muriel Coulin (France, Grèce), Nous ne sommes jamais seuls, de Petr Vaclav (Tchéquie), de Yulin Liu (Chine), et Al bar al thany, de Ali Idrees (Egypte). Où sera la prochaine conquête ? (Where to invade next), de Michael Moore, est très attendu ici au Caire, surtout que ce cinéaste américain mène le débat actuellement aux Etats-Unis après l'élection de Donald Trump. Autre documentaire attendu : La République de Nasser, la construction de l'Egypte moderne, de l'Américaine Michelle Goldman. En tout, 204 films entre courts, longs métrages et documentaires seront projetés dans les différentes sections au festival qui, cette année, revient en ville avec des projections de certaines salles de quartier.