La tendance n'est pas générale, mais la poussée actuelle de l'extrême droite européenne est bien une réalité. Et elle ne manque pas d'inquiéter dans les milieux politiques dits traditionnels, toujours considérés comme étant sans imagination ou incapables de se renouveler alors que la demande de changement est bien réelle. Cela se voit dans de nombreux pays — Grèce, Espagne, Italie, Pologne, Hongrie — où de nouvelles élites ont été portées au pouvoir. Des ruptures. On disait d'un tel courant qu'il signifiait la fin de la classe politique traditionnelle sans qu'un tel concept soit explicité. Les idées politiques ne seraient-elles alors valables qu'un temps, mais lequel dans un tel cas de figure ? Et au bout de combien de temps, des élites devraient se remettre en cause ? De nombreux théoriciens seraient, dans ce cas-là, à court d'idées et il en faut pour décrire la situation actuelle et au moins tenter une explication face à la montée de l'extrême droite. Il s'en est fallu de vraiment peu pour que l'Autriche soit dirigée par un chef de l'Etat portant les couleurs de cette tendance incarnée par le Parti de la liberté (FPO) fondé par d'ex-nazis en 1956. Le candidat de ce parti à la récente élection présidentielle a obtenu presque la moitié des voix, ce qui est tout de même à relever. Il tenait, disait-on alors, un discours populiste, ce qui reste à définir, alors qu'il était axé sur la protection sociale, le pouvoir d'achat et la défense de l'emploi. A l'image d'autres partis populistes européens, le FPO se présente comme une alternative aux formations politiques traditionnelles. Ces dernières ont pourtant bénéficié d'une espèce de sursaut et cela se voyait dans le comportement des électeurs, notamment autrichiens, décidés à barrer le passage à ces nouveaux dirigeants. Le vainqueur a lui-même attribué son succès à une forte participation. Même si les fonctions du président de la République autrichienne sont essentiellement protocolaires, une victoire du candidat du FPO aurait constitué pour la première fois l'arrivée d'un candidat d'extrême droite à la tête d'un Etat de l'UE. Ce qui devait être là un autre pas, après celui franchi en 2000 par l'ancien leader du FPO, Jorg Haider, devenu Premier ministre. On se rappelle qu'il a fallu une grande mobilisation en France pour barrer la voie à la présidentielle au chef de l'extrême droit française, Jean-Marie le Pen, qui avait accédé au second tour. Mais, et c'est là tout le débat qui devrait avoir lieu, le parti raciste français avait déjà remporté ses premiers succès dans des élections municipales dans les années soixante-dix déjà, permettant donc de relever que les arguments développés aujourd'hui n'ont pas le moindre lien avec ceux d'il y a quatre décennies, les situations et les contextes étant alors largement différents. C'est pourquoi les prochains rendez-vous électoraux, notamment en France et aux Pays-Bas, deux pays où se tiendront des élections nationales en 2017, seront suivis avec beaucoup d'intérêt. Qu'est-ce qui a donc favorisé leur émergence et surtout le vote populaire ? Dans le cas de l'Autriche, le discours extrémiste dans sa forme actuelle manquerait cruellement d'arguments et se heurterait à de grosses limites. Même s'il constitue un indicateur de la ruine du système politique bi-partisan traditionnel, il serait nul et inadéquat car l'économie de ce pays se porte bien. Mais ceux qui chevauchent cette vague iront chercher ailleurs leurs arguments. Et il s'agit là de sécurité, ou encore là où le discours extrémiste semble fleurir et trouve des oreilles attentives. Ce que la chancelière allemande a qualifié de «solutions simples». Ce qu'elle ajoutera a tout d'un signal d'alarme. Les élections législatives qui auront lieu probablement en septembre 2017 seront «les plus difficiles depuis la réunification» du pays en 1990 du fait de la montée du populisme, incarné en Allemagne, notamment, par le mouvement anti-immigration Alternative pour l'Allemagne (AfD). L'Europe bascule et cela est réellement inquiétant.