Huit années, ce jeudi, que Baya « la fleur » a quitté ce monde. 1998, 67 années d'âge, cinq années de tragédie, 45 années d'exercice d'un métier qui ouvre sur l'espoir. « Le regard fleur » selon Assia Djebar, ou « la fusée », selon André Breton, est dans le jardin éternel. Elle n'est pas morte puisque son œuvre est quotidiennement citée quelque part dans le monde. Dans une galerie, une école d'art, une peinture, un bouquet de fleurs, la défense de la femme, la couture, la mode, au hammam, dans l'histoire : elle est présente. Elle est Haddad Fatma en 1931 lorsqu'elle naîtra à Bordj El Kiffan, devient Baya à Alger à l'âge de 11 ans quand elle sera adoptée par Marguerite Caminat à partir d'une rencontre fortuite à la ferme de Simone la sœur où travaillait la grand-mère maternelle de l'orpheline. C'était le début d'une grande affection et de l'affirmation d'un art qui sera catalogué de naïf mais qui symbolisera « l'Arabie heureuse », selon A. Breton dans l'hommage à Baya en 1947. Elle sera qualifiée de tous les noms de fleurs et même d'un espace, puisqu'elle sera « une oasis » pour Jean Pelegri ou « un jardin dans une oasis ». Elle était d'un autre monde, elle qui déclarait dans un interview à Algérie Actualité en 1982 : « Quand je peins, je suis dans un autre monde, j'oublie. » Elle est à Blida à l'âge de 22 ans, mariée à un autre artiste, celui de la musique andalouse : El Hadj Mahfoudh Mahieddine qui lui fera découvrir son art, et leur amour se concrétise par la venue au monde de six enfants. Blida, c'est aussi la ville des roses et son art à elle se confirmera davantage. Les deux artistes s'entoureront de fleurs dans leur belle maison près du jardin Patrice Lumumba et pas trop loin du Bois Sacré, le jardin Mohamed VI aujourd'hui, au nord. « Baya toute droite, Baya indéchiffrable, Baya silencieuse, Baya digne et grave » : c'est ce que disait Jean Peyrissac à la première exposition de l'artiste au mois de novembre de l'année 1947. C'est ce qui aurait pu être dit d'elle pour toutes les années qui ont précédé son départ au mois de novembre de l'année 1998, 51 ans après. La Belle et la Bête, conte retrouvé même dans la peinture de Baya : la maladie aura raison de son corps frêle, et tous les oiseaux, toutes les fleurs et leurs senteurs, tous les airs des musiques ont accueilli, dans leur monde, celle qui a laissé l'homme incompréhensible sur sa faim insatiable.