L'année 2016 a été celle de la dégradation de la situation économique et financière du pays. La crise est-elle à son paroxysme, ou bien la situation risque-t-elle de s'aggraver davantage ? Pour revenir au contexte dans lequel avait débuté l'année 2016, la Loi de finances 2016 prévoyait un prix d'hypothèse à 45 dollars, et un tarif de référence à 37 dollars, donc avec quelque 8 dollars affectés dans le FRR pour l'épargne intérieure via un mécanisme de fiscalité pétrolière, et extérieure via les réserves de change, et en même temps le FRR devait soutenir les finances publiques. Or, le prix réel du baril à la fin 2015 était à 36 dollars, soit moins que le tarif de référence. A l'image de l'épargne nationale institutionnelle, trois variateurs ont connu directement ou indirectement des bouleversements notables. D'abord, le revenu en dollar sur les exportations des hydrocarbures en chute par rapport au plan budgétaire. Ce variateur est la première source de devises étrangères qui permet, d'une part, d'engager des dépenses en devises étrangères, de produire également une fiscalité pétrolière avec au passage une épargne institutionnelle libellée en dinar, et, d'autre part, de contribuer à la création d'une partie de la fiscalité ordinaire indexée sur les capacités des ressources. Ce décalage budgétaire sur le premier semestre a eu comme effet le creusement d'un manque à gagner sur les revenus en dollar pour les exportations et en dinar pour la fiscalité pétrolière et le FRR, causant ainsi un effet inverse en sollicitant l'épargne nationale au lieu de l'alimenter. Ensuite, le poids de la fiscalité comme levier important dans la collecte et la mobilisation des ressources avec des réaménagements des taxes pour les consommations ayant doublé dans le but de renflouer les recettes et de contrôler le rythme de consommation. Cela est dû au fait que les revenus sur les hydrocarbures n'avaient pas la capacité de couvrir les charges. Le dernier variateur affecté, c'est la dépense publique, notamment celle en équipements qui a subi un effet de ralentissement. Pour l'année 2017, l'objectif de limiter les dépenses publiques produira également le même effet que celui de 2016 en ce qui concerne le rythme de croissance, sauf si d'autres moteurs de croissance viendront soutenir le modèle public. La compensation de cette insoutenabilité prévue pour 2017 nécessitera la mobilisation de ressources fiscales supplémentaires à travers quelques augmentations nouvelles des taxes et impôts, et aussi par la création de nouvelles niches de croissance en misant sur l'élargissement de l'assiette fiscale et en favorisant les conditions d'investissement et d'exploitation de tous les gisements économiques possibles. Comment appréciez-vous les réponses qui ont été apportées, et notamment le lancement d'un emprunt obligataire et l'annonce d'un nouveau modèle économique ? L'objectif actuel est de trouver d'autres ressources budgétaires. Au début, il y a eu une première réponse en 2015 avec l'appel lancé aux divers opérateurs afin d'adhérer à une politique de conformité fiscale, dont l'objectif fondamental était d'intégrer les fonds non bancarisés dans le circuit financier classique. Cette inclusion servira, d'une part, à mobiliser cette épargne manquante en évitant de recourir à d'autres formes de financement ou d'endettement interne, et, d'autre part, elle servira à élargir l'assiette fiscale afin de générer à moyen et long termes plus de recette en fiscalité ordinaire. Cette opération est toujours en vigueur et nécessite encore d'autres moyens et motivations. La deuxième action lancée en 2016 concerne le lancement d'un emprunt national n'ayant pas les mêmes caractéristiques que celles du programme d'inclusion financière, car un emprunt est toujours limité dans le temps et dans le potentiel en ciblant une masse d'épargne statique qui devait être injectée dans le circuit pour créer plus de ressources et d'emplois, avant d'être restituée une autre fois. En fin de compte, l'emprunt en question a été en grande partie alimenté par les fonds venant des diverses institutions financières par voie de transfert de compte à compte sans pouvoir capter davantage d'autres ressources non bancarisées. Chaque modèle économique doit interpréter une vision stratégique et doit aussi engager tous les mécanismes et instruments pour sa mise en œuvre. Le nouveau modèle annoncé s'inscrit dans un cadre plus large et converge vers une diversification des ressources et des modèles de financement. Il s'oriente aussi vers un désengagement progressif de l'Etat de son rôle de gestionnaire vers celui de régulateur. Il favorise aussi l'entreprise en tant qu'acteur principal chargé de la création et de la distribution des richesses. Mais la mise en place de ce modèle nécessite aussi plusieurs préalables à mettre en place (le foncier, la régulation du marché, etc.). La valeur du dinar s'est nettement dégradée par rapport aux devises étrangères en 2016, surtout sur le marché noir. Que vaut réellement aujourd'hui la monnaie nationale ? Sur un plan institutionnel, la valeur du dinar reste une valeur administrée soutenue par le niveau des réserves de change. Le recours à un artifice de dévaluation du dinar répond au besoin d'accroître plus de recettes budgétaires en dinar indexées sur les revenus en dollar et aussi de compenser les baisses des autres segments de revenus fiscaux. Car même la limitation des importations à des impacts directs ou indirects sur le plan des revenus fiscaux (douane, TVA et taxes en aval, etc.). Le recours à un marché interbancaire de change, notamment dans son volet de marché à terme, ne fonctionnera que s'il s'oriente vers des équilibres entre l'offre et la demande sur le dinar par rapport aux autres monnaies. Ceci impliquera aussi que la machine productive hors rente devient plus compétitive et flexible pour répondre au besoin national et pour limiter les effets inflationnistes de l'importation, et ensuite de progresser vers les marchés internationaux afin d'améliorer l'équilibre entre offre et demande sur le marché monétaire.