A Sidi Bel Abbès, le théâtre est sinistré à cause d'une cure d'austérité budgétaire. En 2017, le budget du Théâtre régional de cette ville sera amputé de 70% de ses ressources financières. Dans le milieu artistique local, c'est la consternation, qui se traduira par un net recul de la création théâtrale. Dans cet entretien, Hacen Assous, directeur du Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, estime que ces restrictions budgétaires remettent en cause la mission de service public. - Des restrictions budgétaires ont touché le secteur de la culture en 2016, particulièrement les théâtres d'Etat. Qu'en est-il pour le Théâtre régional de Sidi Bel Abbès (TSBA)? C'est un coup dur pour la pratique théâtrale en Algérie. A Sidi Bel Abbès, une coupe budgétaire de 10% a été décidée en mars 2016. En juillet de la même année, une seconde coupe de l'ordre de 50% nous a été signifiée par la tutelle. Pour l'année prochaine, il est prévu une autre restriction du budget de 10%, selon certains échos. Sur deux exercices, à savoir 2016 et 2017, le budget du TRSBA sera ainsi amputé de 70% de ses ressources financières. Dans le milieu artistique local, c'est la consternation. - Quelles seront les répercussions de ces mesures sur le théâtre de Sidi Bel Abbès? Pour cette fin d'année, les salaires des mois de novembre et décembre ont été versés. Ceux du mois de janvier 2017 pourront l'être également mais après, ça va être dur. Heureusement que nous avons pu régler toutes nos dettes fiscales et parafiscales, qui, il y a quelques années, se chiffraient à plus de 3 milliards de centimes. Les répercussions de ces mesures restrictives se feront sentir à partir du premier trimestre 2017 et se traduiront par un net recul de la création théâtrale. - C'est-à-dire qu'il y aura moins de production pour la saison prochaine… L'année prochaine, il nous sera difficile de concrétiser nos projets artistiques. En temps normal, nous étions en mesure de produire annuellement trois spectacles, deux pour adultes et un pour enfants, conformément au cahier des charges établi par le ministère de la Culture. Un cahier des charges qui nous impose également de diffuser nos spectacles dans les localités de la région, les établissements socio-éducatifs et d'assurer des formations aux arts scéniques. Pour ce faire, nous devons non seulement payer nos comédiens et techniciens, couvrir les différentes charges de fonctionnement, mais également rémunérer les auteurs et autres concepteurs. Avec quel argent allons-nous le faire ? Franchement, j'ai peur que le champ artistique ne rétrécisse encore plus en 2017. - La réduction du nombre de festivals n'arrange pas les choses… Je considère que ces restrictions sont une prime à la régression. Nous avons pu réaliser des choses positives avec l'aide à la création qu'accordait le ministère à l'occasion de diverses manifestations culturelles, un foisonnement et une diversité dans la création portés par de jeunes auteurs, scénographes, comédiens et metteurs en scène. Même les festivals, avec leurs faiblesses, ont joué un rôle d'émulation et beaucoup d'artistes se sont investis et ont pu émerger du lot. Avec ces restrictions, les missions de service public des théâtres sont sérieusement remises en cause. Cela doit interpeller toute la société et pas uniquement la sphère culturelle. - Beaucoup de comédiens ressentent de l'amertume avec l'annonce de ces restrictions… Tout le personnel est inquiet. Sur le plan de la création, il va falloir mettre à contribution toute l'intelligence des créateurs pour aller vers des spectacles plus légers, moins coûteux, mais avec ce même souci de vouloir offrir au public des représentations de qualité. Cela va être difficile, mais pas impossible. - Qu'en est-il pour les autres théâtres ? En 2017, les théâtres d'Etat, notamment les anciens théâtres tels que ceux de Béjaïa, Oran, Sidi Bel Abbès et Annaba seront confrontés à de gros problèmes en termes de financement. Les nouveaux théâtres, créés récemment, n'échapperont pas, à l'avenir, à cette réalité avec le tarissement des ressources financières.