Les épisodes des statues ratées se suivent et se ressemblent. Après la statue de cheikh Benbadis à Constantine en 2015, qui a dû être déboulonnée pour cause d'imperfection, l'année 2016 a eu son lot de critiques, touchant cette fois-ci l'œuvre représentant le premier président de la République, Ahmed Ben Bella, dévoilée à Tlemcen à l'occasion de la commémoration du centenaire de sa naissance au début du mois de décembre dernier. Les écrits journalistiques ont abondamment commenté ces événements sans toutefois dévoiler ni le montant exact (15 millions de dinars, avance-t-on pour celle de Ben Bella), ni le nom de l'artiste. Certains sont allés jusqu'à considérer ces œuvres comme une humiliation pour ces deux illustres personnages. Mais à chaque fois, on révèle qu'il s'agit d'un sculpteur italien, un pays connu pour ses artistes et ses écoles dans le domaine. Cette situation a évidemment fait des mécontents parmi les artistes-fondeurs locaux, notamment à Jijel, où se trouve l'entreprise créée par Mohamed-Réda Benabdallah Khodja, qui a étudié en Italie, assisté par ses deux enfants, Mohamed-Salah et Bassem, qui ont appris dès leur jeune âge le métier de leur père et qui dirigent actuellement la maison Virtual Métal fonderie. «Dès le mois de décembre 2015, soit une année avant la commémoration, nous avons pris l'initiative de sculpter et de mouler à nos frais une statue d'Ahmed Ben Bella, le premier président de l'Algérie indépendante ainsi qu'un buste de bureau et un autre de hall et enfin des médaillons du personnage, jeune et âgé», nous-dira Mohamed-Réda. Une fois ce travail effectué, l'équipe de Virtual Métal fonderie a adressé des avis de réalisation au wali de Tlemcen, au ministère des Moudjahidine, à celui de la Culture et au wali d'Oran, dont l'aéroport porte le nom. «Aucune réponse ne nous est parvenue», regrettent amèrement nos interlocuteurs, qui relèvent que la première idée est venue de Jijel. «Nous avons pensé à ce personnage avant que la célébration de ce 100e anniversaire n'ait germé», rappelle-t-il, et d'ajouter : «On continue de détourner le regard des artistes locaux qui investissent dans cette idée.» Mohamed-Réda, qui nous fera visiter l'atelier avec ses deux enfants, nous montrant au passage les modèles en cire, en cours de finalisation, de Ferhat Abbas et Mohamed Seddik Benyahia, nous fera découvrir la statue en bronze de 2,20 m de Ben Bella, un buste de hall de 70 cm, un autre de bureau de 35 cm et deux médaillons (jeune et âgé) ornés de feuilles de chêne d'un diamètre de 55 cm. En dépit des efforts fournis et de l'investissement financier consenti pour mouler ces œuvres en bronze, la fonderie d'art se retrouve boudée puisque ses produits ne semblent intéresser personne. Nos interlocuteurs espèrent que sa ville natale, Maghnia, à l'origine de la polémique sur le lieu d'implantation de la statue, porte un regard vers leur atelier pour doter la cité de Ben Bella d'une œuvre à sa mesure.