Selon le docteur Bekkat Berkani Mohamed, président du conseil national de l'Ordre des médecins algériens, l'exil des praticiens algériens est justifié par le manque de considération dont ils font l'objet en Algérie. Il y aurait quelque 10 000 médecins qui ont préféré s'installer et exercer en France. Cette déclaration faite par le docteur Bekkat Berkani Mohamed, président du conseil national de l'Ordre des médecins algériens, invité du forum d'El Moudjahid, est justifiée par le manque de considération dont font l'objet les médecins en Algérie. Selon ses propos, la santé n'a pas la place qu'elle mérite. «Elle devrait être la préoccupation des autorités non pas en besoins matériels mais au-delà, explique-t-il. Il faut qu'il y ait un Conseil des ministres spécialement dédié à la santé, la formation, l'accès aux soins, les moyens humains pour avoir une feuille de route du secteur. Elle s'avère importante étant donné qu'il n'y a pas un état des lieux réel.» Concernant le projet de loi sanitaire, le Dr Bekkat Berkani revient sur le nombre important de réserves relevées par son instance. «Nous avons émis plusieurs réserves, mais nous n'avons pas consulté le brouillon de ce projet de loi afin de constater si elles ont été prises en considération ou pas. Parmi les choses qui doivent absolument être incluses dans ce nouveaux texte, s'il on veut lui assurer une pérennité d'au moins 10 ans, l'agence du médicament. Il faut justement que cette nouvelle loi revoie dans le détail toutes les prérogatives de cette instance afin que sa décision soit décisive et irrévocable. Il faut également consacrer un chapitre à la prévention et lui créer un véritable office. Ce dernier doit réellement contrôler tous les éléments qui peuvent conduire à des maladies, à savoir l'environnement, la nature et la composition des aliments, et rendre, à travers un véritable travail de vulgarisation, l'information disponible à toutes les franges de la société», ajoute-t-il. Même si, pour lui, cette nouvelle loi encore en phase de projet est très évolutive en s'intéressant à la santé mentale, pénitentiaire et à l'interruption volontaire de grossesse, elle doit absolument être axée sur les mécanismes à même de rétablir la confiance des citoyens dans les établissements sanitaires publics. Il faut également, selon le Dr Bekkat Berkani, revoir la carte sanitaire, revenir vers les secteurs sanitaires qui existaient dans le temps et assurer une meilleure décentralisation de la décision. Il est obligatoire qu'il y ait un organisme de veille sanitaire qui serait le «journal officiel» des maladies transmissibles et non transmissibles, qui prendrait en charge la veille sur la bonne pratique des soins, dont le calendrier des vaccinations, et sera habilité à faire des déclarations pour assurer et rassurer le grand public quant à la propagation des maladies. Toutefois, le Dr Bekkat Berkani considère inacceptable le fait qu'un grand chapitre de 40 articles soit intégralement consacré aux dispositions pénales pour les médecins et les personnels soignants : «Le code pénal est assez riche pour que ses dispositions soient claires et applicables à tout le monde.» Il remet également en question la formation des médecins qui ne répond pas aux besoins ainsi que celle des formateurs. Il estime qu'il n'y a pas assez de formateurs pour le flux important d'étudiants en médecine. Il préconise l'obligation d'instaurer une sorte de concours aux bacheliers ayant une forte moyenne pour qu'il y ait une «élite de médecins» et les obliger à suivre une formation en langues française et même anglaise pour assurer le minimum d'apprentissage et de compréhension. L'invité d'El Moudjahid a évoqué le relationnel médecin/patient et médecin avec sa hiérarchie en mettant l'accent sur l'obligation d'ouvrir le dialogue avec les éléments du secteur public. Tout en condamnant les erreurs médicales, le Dr Bekkat Berkani incite l'Etat à prendre en charge les dédommagements préalables et la réparation des erreurs. «Le secteur privé doit être complémentaire mais ne doit en aucun cas brouiller le travail du secteur public. Les honoraires ne doivent pas être fixés par la loi. Il faut qu'il y ait une fourchette générale, mais pas imposer des tarifs. Nous n'assurons pas un service commercial», conclut-il.