C'est une filière stratégique. Elle intègre quasiment toutes les industries. L'Algérie, pays producteur de pétrole — substance de base du plastique — reste en marge du développement de la plasturgie. Approvisionnée, entre autres, par ses voisins immédiats, l'Algérie prend conscience sur le tard de l'importance de former un personnel qualifié en plasturgie. Annoncé depuis une année, un simple centre de formation révèle toutes les lenteurs d'un système compliqué au fonctionnement obsolète. Annoncée depuis près d'un an, le centre ou l'école de plasturgie de Blida tarde à voir le jour. Le 1er février 2016, une convention-cadre signée entre le ministère de la formation professionnelle et le Club des entrepreneurs et industriels de la Mitidja (CEIMI), avalisait la création d'un établissement de formation en plasturgie dans le cadre d'une «coopération intelligente». Ainsi, les acteurs économiques privés devaient travailler en bonne collaboration avec l'institution publique et ses ramifications afin de pallier à la marginalisation de cette branche dans la nomenclature officielle et surtout répondre à un besoin pressant exprimé par les entités économiques. Après concertations entre partenaires et suivant l'accord conclu, il est prévu que les opérateurs économiques du CEIMI investissent d'abord dans l'acquisition de trois lourdes machines comme matériel pédagogique. Ensuite, ces acteurs économiques s'engagent dans toute la formation en mettant la main à la pâte pour l'élaboration des cursus pédagogiques, l'accueil des stagiaires au sein de leurs entreprises et l'expression de leurs besoins effectifs en termes de formation. Le secteur public garantissant le reste. C'est-à-dire mettre à disposition le siège de l'école, acquérir d'autres machines, apporter le matériel nécessaire pour la formation en plasturgie et dans les domaines complémentaires, ainsi que d'assurer la disponibilité et la formation de la ressource humaine. Mais au-delà de cet accord, le projet avance lentement. «Nous sommes en phase de préparation et de collecte d'informations. Nous recensons les entreprises intéressées, leur taille, leurs besoins, pour monter les contenus pédagogiques et assurer le meilleur démarrage possible à ce projet», argue Abdelkader Belbekouche, directeur de la formation professionnelle (DFP) de la wilaya de Blida, sous l'œil complice du président de la commission formation du CEIMI, Mahmoud Bentouati. Du plastique partout L'heure est donc au choix du site qui accueillera l'établissement de formation et à la collecte d'informations pour énumérer les besoins et construire les cursus, soit une étape préliminaire dans un contexte où les industriels ont déjà exprimé leurs besoins et leurs attentes. «L'idée de créer un centre de formation dédié à la plasturgie est née des industriels de Blida et particulièrement du président du Ceimi», affirme Mahmoud Bentouati, en notant que Kamel Moula (directeur général des laboratoires Venus, spécialisés dans les cosmétiques) a pris conscience de l'importance de l'activité en constatant que l'emballage représente plus de 30% du prix du produit commercialisé. «Il y a une cinquantaine d'entreprises qui activent dans la plasturgie (dans la région de Blida) mais ils sont plus dans la fibre de verre et d'autres activités qui ne répondent pas tout à fait aux besoins les plus pressants», déplore le président de la commission formation du CEIMI. Et ces besoins sont énormes. Car finalement, la plasturgie est partout. Ses applications ont leur place dans tous les secteurs : industrie, agriculture, nouvelles technologies, aménagements, supports de communication, santé, cosmétique, agroalimentaire et autres. Elles sont également dans l'industrie automobile, un secteur dans lequel l'état veut investir et souhaite atteindre un taux d'intégration important. Il faut savoir qu'un véhicule de taille moyenne (1,5 tonne) est constitué de 20% de matériaux plastiques qui sont les second en volume utilisés dans l'automobile. Dans le domaine de la plasturgie, l'Algérie, malgré les avantages dont elle jouit – la quasi-totalité des plastiques proviennent du pétrole brut et du gaz naturel — est loin derrière ses voisins en termes de satisfaction de ses propres besoins. Pis encore, 30% des exportations tunisiennes et presque autant de celles marocaines se font en direction du pays. Mais au-delà de la perspicacité des investissements économiques et des choix à opérer, la formation de la ressource humaine reste le point nodale pour booster cette filière. «Il y a un énorme déficit à tous les niveaux. Cela va des techniciens à la main-d'œuvre qualifiée», regrette encore Mahmoud Bentouati, en énumérant les profils recherchés : machinistes, opérateurs, outilleurs, moulistes... Allant encore plus loin, le président de la commission formation du Ceimi assure que même les entreprises qui ont investi dans la plasturgie pour réduire leurs frais d'importation payent en contrepartie l'expertise internationale indispensable pour le fonctionnement de leurs usines. «La fabrication des moules est une activité de pointe. Un simple moule de pare-chocs coûte dans les 500 000 euros», dévoile-t-il. Lenteurs Pour ce qui est des spécialités spécifiques à dispenser en formation dans la spécialité plasturgie, M. Bentouati cite : le soufflage, l'injection, le thermoformage et l'extrusion. Cela sans compter d'autres activités connexes comme le froid ou la maintenance des machines. Ainsi, seulement au niveau du Club des industriels de la Mitidja qui compte plus de 1100 entreprises, les besoins théoriques sont énormes, mais le centre de plasturgie tarde à voir le jour. «Nous allons, avec nos partenaires du CEIMI, organiser une rencontre dans les semaines à venir pour définir les besoins et tenter dans la mesure du possible de lancer une formation initiale en immersion, en mode apprentissage, pour d'abord former les maîtres d'apprentissage et les formateurs. On discutera également de la possibilité de tenter une action dans le mode formation continue pour les employés de ces entreprises. Quant au démarrage du centre, je ne peux donner aucune date pour le moment», déclare Abdelkader Belbekouche, le DFP de Blida. Nous apprendrons par ailleurs, auprès de Akila Chergou, directrice de la formation continue et des relations intersectorielles au ministère de la Formation professionnelle, que le centre d'excellence est encore au stade de projet en attente de formalisation des accords de partenariat (voir l'interview). Selon Mme Chergou, dans les meilleurs des cas, ce centre pourrait voir le jour à partir de la prochaine rentrée, soit en septembre 2017.