La rédaction d'El Watan Etudiant a réalisé une étude — non exhaustive — de l'implantation du potentiel industriel public et privé à travers le pays. Ce travail d'investigation a permis la réalisation d'une ébauche de carte de l'implantation des entreprises algériennes et de la concentration de l'activité industrielle par secteurs. Ainsi, six grands «pôles économiques spécialisés» sont identifiés sur la «carte d'implantation» ci contre. La prise de conscience des pouvoirs publics quant à l'implication des entreprises dans l'élaboration de l'offre de formation universitaire permettra dans les prochaines années l'émergence de pôles universitaires spécialisés, en réponse à la demande en ressources humaines du secteur économique. Ainsi, à titre d'exemple, à l'ouest du pays, l'émergence d'une industrie automobile grâce aux investissements déjà réalisés et ceux en voie de concrétisation exige à la fois des responsables des universités de s'adapter à cette nouvelle donne d'abord par la création de filières spécialisées dans les technologies de l'automobile, ensuite de professionnaliser la formation en collaboration avec les acteurs économiques. Blida, région à vocation agricole par excellence, a enregistré récemment le lancement de deux importants instituts, le premier universitaire de technologie spécialisé dans les technologies de l'agroalimentaire et le second spécialisé dans la formation professionnelle aux métiers de la plasturgie, en collaboration avec les industriels de l'agroalimentaire de la région. Idem pour la Kabylie, qui enregistre une forte implantation d'entreprises agroalimentaires. Ainsi, les deux régions combinées —elles sont localisées dans le centre du pays — nécessiteront ainsi l'émergence d'un pole universitaire dédié aux métiers de l'alimentation, de l'agroalimentaire, du packaging et de la plasturgie. L'autre pole important est celui de l'électronique et l'électroménager situé entre Sétif et Bordj Bou Arréridj, où les universités devraient suivre le développement des entreprises implantées dans la région. Condor a d'ailleurs récemment lancé, avec le concours du ministère de la Formation professionnelle, un institut de formation universitaire spécialisé. Cette carte donne un aperçu des potentialités et des possibilités que le ministère de l'Enseignement supérieur devrait prendre en considération pour établir une nouvelle carte universitaire, qui réponde aux besoins d'une économie compétitive, seule alternative à la dépendance aux hydrocarbures. Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique révise la carte universitaire de «manière progressive». Le directeur général des enseignements et de la formation supérieur (DGEFS) révèle la stratégie à long terme adoptée par le ministère en faveur d'un regroupement des spécialités en fonction des potentialités et des moyens disponibles dans l'environnement. «Il s'agit, dans une première étape, de regrouper les spécialités d'après les capacités humaines, l'activité de recherche et l'offre présentée par le secteur socioéconomique. Nous n'avons plus le droit, compte tenu de la conjoncture, d'ouvrir des formations sans rendement ni prospectives», explique Noureddine Ghouali. Ainsi, et dès la rentrée prochaine (septembre 2017), les sciences politiques seront la première filière qui fera l'objet de regroupement. «Il y a 36 points de formation en sciences politiques (sur le territoire national). C'est énorme alors que les besoins ne sont pas d'une telle ampleur. Nous n'allons pas former partout des diplômés dans cette branche», explique le DGEFS. Pour commencer donc, le ministère a émis des critères, telle que la disponibilité de la ressource humaine, de laboratoires de recherche…, pour maintenir ou non la spécialité dans un établissement donné. «Nous allons voir, par exemple, ceux qui présentent des formations doctorales ou pas. Nous n'allons quand même pas laisser des points de formation qui n'ont pas le minimum requis», poursuit-il. Incidence directe ou pas de la conjoncture économique et de la crise structurelle que traverse le pays, le secteur de l'enseignement supérieur, qui prévoit d'atteindre les deux millions d'étudiants à l'horizon 2020, présente des visions nouvelles en faveur de l'amélioration des formations et des offres. Le leitmotiv étant l'employabilité et le rapprochement de l'université avec le secteur socioéconomique. Ainsi, en sus de la formation à distance qui semble le nouveau credo, le MESRS se projette dans l'installation de pôles de compétitivité répartis en fonction de l'activité socioéconomique régionale. Il s'agira vraisemblablement de copier les «clusters», ces concentrations d'entreprises et d'institutions spécialisées dans un domaine particulier, à l'image de la Sillicon Valley (Etats-Unis) ou de l'agglomération de Bangalore (Inde), fers de lance dans le domaine technologique. Ainsi, on imagine un pôle à l'ouest du pays dédié à la mécanique au regard de l'installation d'usines de montage de véhicules, un autre électronique dans la région de Bordj Bou Arréridj ou encore un troisième spécialisé dans l'agroalimentaire dans la Mitidja. D'ailleurs, le ministère de l'Industrie prévoit, en coopération avec la France, l'installation prochaine à Blida de ce genre de «complexe» où figureront des entreprises de production, des antennes d'universités et de centres de formation professionnels ainsi que des laboratoires de recherche. Cette projection révélée par le DGEFS pourrait présenter un avantage certain en regroupant dans un même périmètre les établissements de formation universitaire, ceux de la recherche scientifique et les acteurs économiques tous dédiés à la même spécialité et autres activités complémentaires. «On va vers cette politique. On se dirige progressivement vers la mutualisation des moyens et le regroupement (des formations) en fonction de ce qu'offre le secteur socioéconomique. C'est très important surtout pour l'employabilité des diplômés, l'insertion professionnelle et les stages pour les étudiants», insiste Noureddine Ghouali. Mais cette tendance au regroupement, si elle peut créer un climat favorable au développement simultané de l'entreprise et de l'université, en gageant que cette dernière puisse répondre aux besoins en termes de travailleurs qualifiés, le secteur de l'enseignement supérieur aura-t-il les capacités pédagogiques et les moyens nécessaires de suivre l'évolution d'un monde de l'entreprise au rythme de mutations très rapides. Car, au-delà de l'aspect infrastructurel lui-même ou du grand travail de zonage nécessaires — trouver le découpage optimum en fonction de l'activité socioéconomique —, il faudrait également mettre les bouchées doubles pour dégager les fonds nécessaires pour des formations très pointues. Les exigences des entreprises étant extrêmement précises et les offres de formations dispensées par un encadrement souvent coupé des réalités du terrain. L'université algérienne permettra-t-elle alors, dans le cadre de la mobilité, l'échange d'encadreurs ? Sans préjuger de l'avenir, le directeur général de l'enseignement supérieur insiste sur le déroulement «progressif» de la stratégie. «Nous y allons progressivement car vous savez c'est difficile de changer les habitudes (dans le secteur). Nous allons d'abord commencer par sensibiliser sur la question», instruit-il. Preuve s'il en est de la lenteur de la «machine université» qui devra se mettre au rythme effréné de l'entreprise. Et là, on ne parle pas encore d'innovation, une activité qui ne souffre pas de retard.