En dépit des soupçons qui pèsent sur lui dans l'affaire du travail présumé fictif accordé à son épouse et à ses deux enfants, François Fillon a assuré, samedi dernier, qu'il sera candidat «jusqu'à la victoire» en mai prochain. Finie donc pour François Fillon l'idée d'abandonner la course à la présidentielle s'il était mis en examen, comme il l'a souvent martelé pour montrer qu'il est un honnête homme. Le candidat de la droite et du centre a choisi de laisser de côté ses principes pour aller jusqu'au bout. Dans une longue interview accordée au Figaro, il a assuré qu'il serait scandaleux que la droite soit privée d'un candidat. «J'avais souhaité que la justice agisse vite dans cette période particulière qu'est la campagne présidentielle. Mais la justice n'a pas pris de décision. L'enquête se poursuit et l'horloge tourne. Plus on s'approche de la date de l'élection, plus il serait scandaleux de priver la droite et le centre d'un candidat. Désormais, je m'en remets au suffrage universel. La décision est prise. Je suis candidat et j'irai jusqu'à la victoire», a-t-il expliqué. Le coup de massue du parquet national financier Tout en reconnaissant que la situation est difficile, l'ancien Premier ministre sous Nicolas Sarkozy (2007-2012) veut reprendre le fil perdu de sa campagne électorale. Il a tenté cette démarche lors de sa visite à la Réunion où il devait parler de sécurité et de lutte contre le chômage. Mais manque de bol, c'est à ce moment même que le Parquet national financier (PNF) annonce que l'enquête sur les emplois fictifs présumés dont ont bénéficié son épouse Pénélope et ses deux enfants lorsqu'il était sénateur n'est pas fermée et que les investigations allaient continuer. Un coup de massue pour le candidat qui a longtemps occupé le haut des sondages et qui se retrouve aujourd'hui à la deuxième, voire à la troisième place. Sa tête est placée désormais sous l'épée de Damoclès. Car à tout moment la machine judiciaire peut s'emballer et le couper dans son élan. Du candidat de la morale à celui de la casserole Deux scénarios sont possibles : le premier est qu'il soit convoqué pour citation directe. Alors, la justice peut statuer sur son cas en quelques heures ou jours et décider soit de le laver de tout soupçon, soit de le laisser à sa disposition. Le second est que le PNF, considérant qu'il a assez de preuves, saisira la justice. Un juge d'instruction sera désigné. Il entendra M. Fillon. C'est lui qui décidera soit de le mettre en examen, soit de classer le dossier. Mais pour Fillon, rien ne pourra désormais l'arrêter. Ni poursuite ni mise en examen, décidant finalement de s'en remettre au seul jugement des Français en avril et mai prochains. En attendant, le candidat de la droite a repris sa campagne. Mais là où il se rend, il est désormais accueilli par des sifflets et des bruits de casseroles. C'était le cas la semaine dernière à Tourcoing (nord de la France) où plusieurs dizaines de personnes ont brandi des slogans hostiles, se moquant d'un candidat qui se pose en champion de la morale sans l'être vraiment. Alors que de nombreux députés de droite commencent à sentir que l'affaire Fillon pouvait leur faire perdre leurs circonscriptions en juin prochain, dix-sept d'entre eux lui ont ouvertement demandé de se retirer de la course présidentielle. La raison invoquée est qu'il devient de plus en plus difficile de faire campagne sur le terrain, y compris parmi les gens traditionnellement à droite. Pilonné par François Bayrou qui trouve «indécent que l'ancien Premier ministre se maintienne», M. Fillon est parti chercher conseil chez Nicolas Sarkozy et à qui il a demandé d'intervenir pour calmer les députés de son bord qui le critiquent. Pourtant, même s'il fait mine de continuer sa route, le candidat de la droite sait qu'une simple décision de la justice peut mettre fin à son ambition présidentielle, ou tout au moins la freiner sérieusement. Le bout du tunnel n'est pas pour demain pour le Sarthois moralisateur.