Le candidat de la droite à la présidentielle en France François Fillon, englué dans des soupçons d'emplois fictifs de son épouse, a poursuivi jeudi sa campagne malgré les divisions croissantes de son camp, alimentées chaque jour par des révélations de presse. «En fait je n'ai jamais réellement été son assistante ou quoi que ce soit de ce genre». Cette phrase, prononcée par Penelope Fillon dans un entretien filmé en 2007 pour un journal anglais et retrouvé par la chaîne de télévision publique France 2, est la dernière en date. Elle nourrit la polémique sur la réalité des activités de celle qui se présente comme «une paysanne». «Je ne m'occupe pas de sa communication», dit aussi Mme Fillon dans des extraits de cette entrevue réalisée en anglais par le Sunday Telegraph, qui s'intéressait à la vie de cette Galloise d'origine dont le mari venait alors d'être nommé Premier ministre. Les extraits ont été diffusés jeudi soir dans l'émission «Envoyé Spécial» de France 2. L'avocat de Mme Fillon, Me Pierre Cornut-Gentille, avait dénoncé dans un communiqué, avant la diffusion, des phrases «sorties de leur contexte», et assuré que Penelope Fillon avait fourni aux enquêteurs «tous les détails démontrant l'existence d'un travail effectif». Le parquet financier enquête depuis la semaine dernière sur la réalité des activités qui ont permis à Penelope Fillon, selon le journal Le Canard enchaîné, de percevoir environ 900 000 euros bruts entre 1988 et 2013, comme assistante parlementaire de son mari puis de son suppléant, et comme collaboratrice d'une revue littéraire. L'enquête porte aussi sur l'emploi de deux de ses enfants qui ont touché 84.000 euros, selon ce journal. Jeudi, les enquêteurs, qui ont notamment déjà perquisitionné à l'Assemblée nationale et entendu le couple Fillon, ont auditionné la secrétaire particulière du candidat présidentiel ainsi que son attachée parlementaire. D'autres médias, comme le journal Le Monde ou le site Mediapart, ont aussi rapporté cette semaine des informations sur les activités lucratives de consultant de M. Fillon, qui avait créé une société «2F» en 2012, juste avant d'être élu député de Paris. «Les évènements et les faits s'accumulent tous les jours» et «ça jette le doute», résume le député Philippe Gosselin, qui tente de convaincre l'ex-Premier ministre (1995-1997) et maire de Bordeaux Alain Juppé, 71 ans, défait au second tour de la primaire de la droite, de revenir dans la course à la présidence. Mais François Fillon est jusqu'à présent décidé à aller «jusqu'au bout» de sa campagne. Jeudi, il s'est rendu dans des villages du nord-est de la France, accueilli par des cris «Fillon démission», avant de tenir un meeting. «C'est pas la justice qu'on cherche, c'est à me casser. Et au-delà de ma propre personne, à casser la droite, à lui voler son vote», a-t-il lancé devant un petit millier de personnes venues l'écouter, clamant de nouveau son innocence. Mais de plus en plus de voix s'élèvent dans son propre camp pour évoquer son remplacement. «Nous sommes un peu l'orchestre du Titanic, nous sommes en train de couler», s'est alarmé jeudi le député de droite Georges Fenech. «Le résultat des primaires est aujourd'hui caduc», a-t-il ajouté. Les électeurs de droite se montrent déboussolés. «Il s'est présenté comme un homme intègre. C'est quand même scandaleux que sa femme ait touché de telles sommes», déplore ainsi Anne Serise-Dupuis, 66 ans, une habitante de Bordeaux (sud-ouest). Selon un sondage publié jeudi, les partisans du parti de droite Les Républicains maintiennent à 58% leur confiance en François Fillon. Mais près de sept Français sur dix (69%) souhaitent son remplacement dans la course présidentielle. Cette affaire «est d'autant plus forte qu'elle se situe dans un contexte où la défiance envers le monde politique a atteint des sommets», décrypte le politologue Jean Garrigues. Visée aussi par des soupçons d'emploi fictif concernant une assistante payée par le Parlement européen, Marine Le Pen a déclaré jeudi qu'elle resterait candidate à la présidentielle quoi qu'il arrive.